L’aérodrome de Seclin

Conférence de J.-L. Charles (Association Culturel et Historique de Faches Thumesnil et 2A), en octobre 2018, sur le terrain d’aviation créé par les troupes allemandes durant la Guerre 14-18.

Cette conférence a présenté tous les éléments retrouvés sur la vie, courte, de ce terrain d’aviation de Seclin à partir d’août 1918 et exploité durant quelques mois par les aviateurs allemands mais aussi par les pilotes anglais dans les derniers jours de la Guerre.

L’histoire de cet aérodrome commence par un schéma issu d’un plan de la VIème Armée allemande datant de 1917.

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Carte allemande Seclin.

Dans le plan général de l’agglomération de Lille, on aurait pu croire que ces implantations étaient approximatives… En fait, on s’aperçoit que ce terrain d’aviation était lové autour et au sud du Fort de Seclin. Un calcul rapide nous donne une superficie d’environ 60 hectares.

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Collection : Anciens Aérodromes sur un plan de l’IGN – Photothèque Nationale.

Vous noterez que, sur ce plan datant de la seconde moitié du XIXème siècle, le fort Séré de Rivière de Seclin n’est pas encore présent puisque celui-ci sera construit après la Guerre de 1870, en fait à partir de 1874.

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Transcription du plan de la VIème Armée allemande par J.-L. Charles sur une image de Google Earth.

Les traces en pointillés verts sont les anciennes routes antérieures à 1914. Mais d’autres éléments nous sont parvenus, transmis par un de nos membres anglais, Roger Austin, qui est un habitué du centre des archives de Kew en Angleterre. Il nous donne des renseignements très précieux tels que cette carte issue de la reconnaissance de la RAF.

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Collection Roger Austin, Archives de Kew.

Cerise sur le gâteau : la photo des structures de cet aérodrome, toujours venant des archives anglaises.

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Collection Roger Austin, Archives du Kew.

(Date de la prise de vue : 15 septembre 1918).

 

Le rapport de la RAF datant du début de 1919 est associé à la vue aérienne ci-dessus :

«Cet aérodrome a été récemment occupé par l’ennemi et laissé en bon état.
Il y a sept bons hangars capables de contenir de quatre à six machines de reconnaissance, ainsi que trois petites huttes probablement utilisées par l’ennemi comme bureaux.
Terrain d’atterrissage avec une bonne surface, de bonne taille avec de bonnes approches.
Billets de logement pour tous dans le village de Seclin.
Les routes ont besoin d’être réparées.»

Avec les nouvelles données recueillies, on peut estimer que le terrain avait une superficie de 65 hectares. C’était déjà un grand terrain car les surfaces standard des aérodromes de cette époque étaient bien inférieures aux 60 hectares.

 

Les « infrastructures » des aérodromes

De quoi est constitué un aérodrome au début de son implantation ?

Première phase : Hangars en toile qui ne peuvent contenir qu’un seul avion. Ils sont utilisés dans les premiers temps de la constitution de l’aérodrome.

Cette photo ci-dessous a été prise à Toulis dans le département de l’Aisne. Elle pourrait être à peu près similaire dans sa forme à une image prise à Seclin avant l’implantation des hangars en bois de la phase suivante.

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Photographie (n° 009) Toulis, le coin des hangars en toile.

(Fonds Rudolf INGBER – Bibliothèque de la Communauté d’Agglomération du Grand Verdun ou CAGVR).

Seconde phase : Hangars avec structures en bois qui peuvent contenir plusieurs aéroplanes. Mais ceux-ci restent quand même assez facilement démontables. En effet, si cet aérodrome est découvert par la reconnaissance ennemie, il risque le bombardement. Dans ce cas, on démonte l’ensemble pour le transporter « un peu plus loin » avec quelquefois des abris naturels du type bordure de forêt. Dans ce cas, on recommence l’opération, en toile d’abord puis en bois.

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Cette photo de la collection de Benjamin Bourel a été rapportée des archives anglaises de Kew.

(Hangar Jasta).

Elle montre la structure bois non terminée – ou ayant été bombardée – d’un hangar de l’aérodrome de Ronchin. Le type de construction pour ceux de Seclin était similaire.

Les escadrilles anglaises vont se resservir de beaucoup d’installations allemandes abandonnées fin 1918. Les avions présents sont anglais comme l’indiquent les cocardes.

 

Les « Unités allemandes de Seclin »

Les Jasta 43 (unité de chasse) présente du 22 août au 8 octobre 1918 et FFA 18. Peu de renseignements sur cette dernière.

La photo ci-dessous de la collection Jérôme Grosse, auteur de l’Atlas « Nord » des terrains d’aviation militaire de 14-18, nous montre les avions dont disposait la Jasta 43.

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Cette photo a été prise sur l’aérodrome de Santes avant que cette unité ne soit transférée à Seclin. Les avions utilisés par cette unité sont des Fokker D VII.

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Autre photo d’un Fokker D VII capturé. Celui-ci est entreposé sur un terrain de l’arrière afin d’être étudié avant de reprendre l’air mais sous d’autres couleurs.

(Collection privée via 2A).

 

Note de Jérôme Grosse de 2A à propos des Jastas :

« Dès fin 1916 on voit la création de Jagdstaffeln ou Jastas. Ce sont des escadrilles de chasse dotées de 18 avions. Elles sont regroupées par 4 ou 6 en JagdGeschwader (JG), escadres de chasse. Les avions évoluent, les moteurs deviennent plus puissants, on invente des figures aériennes*. C’est le début des avions monoplaces qui s’affrontent en combat aérien.

L’aristocratie allemande fut pourvoyeuse de grands noms de l’aviation. La plupart de ces pilotes meurent jeunes et couverts de gloire. »

* La figure d’acrobatie appelée « Immelmann » a été créée par un As allemand, Max Immelmann surnommé « L’aigle de Lille » (Der Adler von Lille). Cette figure, consistant en une demi-boucle suivie d’un demi-tonneau, permet de se retrouver non plus chassé mais de pouvoir se présenter face à son adversaire.

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Max Immelmann à gauche et Maximilian Mulzer – Douai entre janvier et juin 1916 – KEK II ou III.

Les KEK furent les premières formations de chasseurs monoplaces (Kampf Einsistzer Kommando).

(Collection Jean Pierre Defrain-Vesschemoët).

 

Voir le site de 2A : http://www.anciens-aerodromes.com/?p=32964

 

Unités aériennes anglaises présentes sur le terrain de Seclin à la fin de la Guerre :

Seuls deux Squadrons seront présents durant un mois environ en cette fin de Grande Guerre.

  • 21ème Squadron du 25 octobre au 11 novembre 1918,
  • 53ème Squadron de la RAF du 16 novembre au 24 novembre 1918.

Ces deux escadrilles volaient sur des avions RE8.

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« Photo d’un R.E.8 » 

(Collection Australian War Memorial).

Roger Austin explique avec un peu plus de détails :

« Deux escadrons de la RAF ont opéré à partir de Seclin : Le 21ème Squadron (sur R.E.8) est arrivé de Hesdigneul le 25 octobre 1918 et est reparti pour Froidmont (Belgique) le 11 novembre 1918.

Le 53ème Squadron (sur R.E.8) est arrivé de Zwevegem (Belgique) le 16 novembre 1918 et est reparti pour Reumont le 24 novembre 1918.

Vous verrez que les 16-24 novembre sont les dates que Jérôme Grosse déclare sur Seclin pour le 3ème Squadron sur le site Web des 2A, mais le 3ème Squadron n’est jamais arrivé à Seclin. Ils ont été rééquipés avec le Sopwith Camel en octobre 1917 et se rendent à Vert Galand (25 mars 1918), à Valheureux (26 mars 1918), à Lechelle (12 octobre 1918), à Inchy (4 novembre 1918) et à Wye en Angleterre où, le 15 février 1919, il est dissous.

J’ai un document daté du 24 octobre 1918 qui indique que le 4ème Squadron AFC (Australiens) (Snipes) serait transféré à Seclin le 26 octobre 1918, mais je n’ai vu aucune confirmation de ce déplacement. Le 3ème Squadron AFC (Australiens) a utilisé le R.E.8, mais je ne pense pas qu’ils ne se soient jamais rendus à Seclin. »

 

En fouillant le compte Flickr d’Anciens Aérodromes, je tombe par hasard sur ce que je ne m’attendais pas à trouver.

La photo suivante est d’un membre de 2A, Jean-Louis Roba. Celui-ci dispose d’une quantité de documents aéronautiques, souvent inédits, sur les deux guerres mondiales. Elle est inattendue car elle va permettre le passage du sujet principal de cet article qui fait suite à la conférence au Fort de Seclin, « l’aérodrome de Seclin », à l’autre présentation le « Cimetière Allemand de Seclin ».

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Une légende simplifiée nous dirait : « Crash d’un avion anglais sur la commune de Seclin – 24-08-1915 ».

(Collection Jean-Louis Roba – Membre 2A).

Sur cette photo, on peut supposer sans faire de recherches que l’équipage n’est peut-être pas ressorti vivant de ce crash très sévère vu l’angle de percussion avec le sol.

« Après avoir lancé une recherche auprès de mes collègues de 2A, Roger et Jérôme, il s’avère qu’il ne faut surtout pas faire confiance aux légendes des cartes postales. En effet, plusieurs sites anglais et allemands légendent la même image mais en rectifiant la date, d’abord, le 26 septembre 1915, ensuite l’avion, le Be2c du 12ème Squadron RFC, et enfin le lieu qui en fait n’est pas très précis, au Nord de Phalempin (http://www.theaerodrome.com/forum/showthread.php?t=47039).

 

Quant à l’équipage, le pilote, le Capitaine F.B. Binney, a été blessé et fait prisonnier; nous n’avons pas pu savoir ce qu’il est advenu du Lieutenant A. Lees après le crash. Le site « Drakegoodman » (https://www.flickr.com/photos/drakegoodman/) explique même que «L’avion a ensuite été remis en état de navigabilité et a reçu les marquages allemands – bien qu’il ait laissé le numéro de série original sur la queue

Hélas, beaucoup d’aviateurs des deux camps sont partis « gonflés à bloc » et ne sont jamais revenus sur leur aérodrome de départ.

Puisque nous parlons de Seclin, j’ai dérivé sur le sujet et pensé qu’au cimetière de la ville se trouve un grand espace où sont enterrés 1188 corps de soldats allemands et que, dans cet ensemble, devait se trouver des aviateurs. C’est avec l’aide de mon collègue Jérôme Grosse que j’ai pu retrouver dans ce grand nombre de soldats une quinzaine d’aviateurs.

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Le cimetière allemand de Seclin aujourd’hui.

(Photos J.-L. Charles).

 

Présentation du Cimetière de Seclin

Vous passez cette entrée monumentale (cénotaphe) et, au bout du cimetière « classique », vous trouvez cet espace bien délimité par des haies où sont plantés de très grands arbres faisant de l’ombre à ce millier de croix noires où sont inscrits, au recto et au verso, tous les noms de ces soldats « allemands ». Assez impressionnant comme dans beaucoup de « nécropoles ».

 

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Dès 1915, les armées allemandes concentrent dans ce cimetière tous leurs soldats décédés. Dans les années suivantes et, même après-guerre, beaucoup de tombes des villages des environs seront regroupées dans cet espace.

 

Le cimetière Allemand de Seclin en 1915.

 

(Photo extraite du site de l’Office de Tourisme de Seclin. DR).

 

Jérôme Grosse avait retrouvé dans ces 1188 noms quelques aviateurs.

Nous remercions vivement les auteurs du site Frontflieger (http://www.frontflieger.de/) pour le travail remarquable réalisé sur un grand nombre d’aviateurs morts en France. La liste ci-dessous est issue de leur site.

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Bannière Frontflieger.

La colonne 1 donne la position dans le cimetière de Seclin. Ensuite les nom, prénom, grade, date de décès et, dans la dernière colonne, la qualité et l’unité aérienne.

 

5/7       Beuttler Fritz                         Lieutenant      03-05-1918     Observateur

1/81     Blechmann Robert                 Adjudant        08.03.1918      Mitrailleur de Traub – Schusta 16

6/192   Bloching Bonaventur             Sergent          29.07.1918      Pilote – Schlasta 35

2/83     Gramlich, Friedrich               Sergent          05.03.1918       Pilote – FAA 258

1/61     Grauert Johann                     Lieutenant      02.12.1917       FAA 292b

5/23     Hild, Johannes                      Aviateur          16.05.1918       Pilote – FA7

6/140   Käuflin, Alfred                       Aviateur          29.04.1918       Mitrailleur de Topp – Schlasta 35

1/31     Löffl                                     Adjudant          02.12.1917       FAA 292b

6/171   Menges, Heinrich                  Aviateur          29.07.1918       Personnel au sol

5/81     Meyer, Gustav                      Aviateur          09.07.1918       FA 32

6/176   Reinert, Nikolaus                  Lieutenant      30.09.1918       Ballon d’Observation

5/59     Schöning, Fritz                    Sergent           03.05.1918       Pilote – FA32

2/70     Schulz Otto                          Adjudant         17.03.1818       Pilote – Jasta 20

5/114   Stücker Ernst                       Aviateur          18.07.1918       Pilote – FA 7

5/115   Sydow (Von) Eberhard          Lieutenant      19.07.1918       Observateur – FA 7

6/149   Topp Robert                         Sergent           29.04.1918       Pilote – Schlasta 35

1/82     Traub Heinrich                     Adjudant          08.03.1918       Pilote – Schusta 16

 

Grâce, toujours, au même site « Frontflieger », ont été retrouvés deux aviateurs morts sur la commune de Seclin mais enterrés dans d’autres cimetières.

 

Halluin                Müller, Johannes              Lieutenant      11.04.1918      Avion tombé à Seclin

Braunschweig     Wendt Willi                      Lieutenant      16.06.1916      Avion tombé à Seclin

 

A titre d’exemple, le site Frontflieger (http://www.frontflieger.de/) qui nous a permis de réaliser le tableau ci-dessus, nous apporte aussi beaucoup de renseignements sur certains aviateurs. Ci-dessous, les renseignements obtenus pour le sergent Bloching. Celui-ci a été choisi du fait du volume important des renseignements qui le concernent.

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(Photo J.-L. Charles).

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« Sur la tombe 6/191 du cimetière militaire allemand de Seclin, on trouve le nom de « Wentur BLOCHING » alors que réellement son prénom était « Bonaventur ».

Il était pilote à la Schlasta 35 (Unité de bombardement). Celle-ci était issue de la transformation, en avril 1918, de la FA 11 (Observation et reconnaissance).

Après avoir été formé comme pilote à la FEA 5, à Halberstadt et à la FEA 10 , il est arrivé en avril 1918 sur le front et a été transféré à l’escadron de combat 35

Il a effectué 41 missions. Est décédé le 29 juillet 1918 suite à ces blessures. »

Avant de terminer cet article sur l’aéronautique à Seclin durant la Guerre 14-18, je signale que, dans le cimetière de Seclin, se trouvent aussi des équipages morts durant la même mission.

Un autre équipage de la Schlasta 35 : pilote Topp Robert et son mitrailleur Käuflin Alfred.

Un autre équipage est enterré dans deux tombes contiguës : Traub Heinrich pilote à la Schusta 16 et Blechmann Robert son mitrailleur.

 

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(Photo J.-L. Charles).

 

Conclusion :

Encore aujourd’hui, les deux sites que nous avons évoqués baignent dans le milieu aéronautique. Ils sont survolés journellement par des avions de ligne qui décollent ou atterrissent de l’aéroport de Lesquin.

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(Photo J.-L. Charles).