Didier Favreau
L’aéronautique Nantaise prend naissance vers la fin de la première décennie de 1900, peu après que les nommés Orville et Wilbur WRIGHT ont réussi leur exploit dans les dunes de Caroline du Nord (USA) et surtout qu’ils ont fait partager cette découverte du premier vol motorisé contrôlé de l’histoire de l’air.
Cette découverte fait des émules et de nombreux bricoleurs font s’improviser pilote. C’est ainsi que vont avoir lieu d’innombrables exhibitions un peu partout sur le territoire national. Bien entendu, Nantes n’échappe pas à la règle mais il n’existe aucun terrain d’aviation dans la région. Dans un premier temps, il est envisagé de mettre en place une surface consacrée aux aéroplanes sur un terrain utilisé par la garnison militaire, au petit-port, quartier Nord de Nantes. Après de nombreuses tergiversations avec la municipalité portant sur de nombreux refus d’aménagement, un consensus est trouvé pour organiser une semaine de l’aviation au mois d’août 1910. L’événement se produira à l’Est de Nantes dans de vastes prairies herbeuses sur les bords de Loire. Le site à l’avantage de pouvoir accueillir du public. Les foules sont conquises par les exhibitions, mais très vite « ce champ d’aviation » ne satisfait plus aux attentes pour une pérennisation dans le temps. Il est en effet très souvent inondé avec les pluviométries locales.
Après la première guerre mondiale, une aviation militaire se met en place à Nantes, mais cette fois-ci, sur un terrain encore différent, plus au Nord de la ville : le terrain du bêle. Rappelons que l’Armée de l’air (comme telle) n’existe pas encore. L’avion est encore la chasse gardée de l’Armée de terre.
Le temps s’égrène et d’anciens pilotes nantais de la grande guerre, décide la création d’une association : l’aéro-club de l’Atlantique en 1920. Cependant, malgré « le bêle », il n’y a toujours pas de grand aérodrome.
Le Ministère de la guerre d’alors, souhaite disposer d’un terrain d’aviation militaire pour assurer la protection de la basse Loire. Là encore, à l’issue d’atermoiements entre la ville de Nantes et les services de l’Etat, un projet d’implantation est déjà parfaitement déterminé. La commune de Bouguenais est retenue. Le 18 avril 1928, le Président de la République en exercice, signe le Décret déclarant l’utilité publique pour l’acquisition des diverses parcelles. Le port aérien nantais devient effectif en 1932, pour une superficie de 50 ha. Des installations pour le club sont édifiées ainsi qu’un hangar pour la protection des aéronefs basés. Très vite, pour les riverains, ce champ d’aviation est communément appelé « château-bougon ». Ce patronyme tient au fait qu’un château (en fait un grand manoir) est implanté à proximité depuis la fin du 19ème siècle. Cette appellation perdurera de nombreuses années et encore de nos jours il apparaît parfois en lieu et place de « Nantes-Atlantique ».
Photo aérienne du terrain en 1936 (Coll Didier Favreau)
Au fil du temps, le terrain va se moderniser. Les atterrissages sont toujours omnidirectionnels, au plus près du vent, mais l’électrification apporte un balisage du contour du terrain et concours à la sécurité des vols. Entre temps, va être crée une unité militaire pour l’entraînement de réservistes pilotes et observateurs : le cercle aérien régional (CAN).
1935 voit l’implantation de la maison du gardien de l’aérodrome. C’est aussi une année charnière. Le constructeur aéronautique, Louis Breguet décide de construire une usine très proche du terrain sur la commune de Bouguenais. Cette même année les travaux débutent, ils seront achevés en 1936.
Autre vue aérienne en 1936 avec l projet bretelle d’accès usine et le terrain (Coll Didier Favreau)
Depuis la mise en place d’un cercle d’atterrissage qui permet l’identification du terrain vu du ciel, une nouvelle installation est érigée : un phare à éclipse pour améliorer le guidage des avions.
1936 – Maison du gardien avec phare à éclipse (Coll Didier Favreau)
Mais les événements politiques vont modifiés le paysage industriel avec la nationalisation de nombreuses grandes entreprises depuis l’arrivée du Front Populaire. C’est ainsi que la fusion le 16 janvier 1937 entre Breguet à Bouguenais, Loire-Nieuport de Saint Nazaire et les bureaux d’études en région parisienne à Issy les Moulineaux, devient la SNCAO (Société Nationale de Construction Aéronautique Ouest).
Les incertitudes qui planent sur le monde, incitent l’état français et plus particulièrement le Ministère de l’Air (l’Armée de l’air à conquis son indépendance depuis 1934 ), à vouloir étendre la surface de Chateau-Bougon, tant pour le développement de l’aviation civile dans la région, que la montée en puissance de l’usine et l’implantation d’un Groupement Aérien Régional (GAR) . Des expropriations sont lancées en 1937 pour une augmentation de surface de la plate-forme d’environ 40ha, vers l’Ouest, ainsi que le raccordement de l’usine au terrain par une bretelle d’accès. De nombreux villages bouguenaisiens et fermes (borderies) vont être définitivement rayés de la carte.
L’année 1938 voit la construction des fameux hangars métalliques double-tonneaux, si emblématique par la suite. Ils sont utilisés par le GAO 511 (ex GAR 511) pour la protection de leurs appareils. L’usine produit le fameux chasseurs Morane Saulnier MS 406, un stand de tir est aménagé sur le camp d’aviation pour le simbleautage des armes de ces avions (projet classé secret défense à cette époque). Des problèmes d’infrastructures causent des désagréments aux essais des avions. Ces appareils n’ont pas de roulette de queue, seulement une béquille. Le frottement de celle-ci sur le sol, le dégrade. Lors des évolutions, le vent relatif des hélices projette des gravillons qui endommagent l’entoilage à l’arrière du fuselage.
La guerre devenant inéluctable, des plans de réarmement sont programmés à la hâte. L’industrie peine à produire le matériel, la situation est catastrophique. L’état français achète des avions et des moteurs aux américains, dont certains arrivant en caisse, sont réassemblés à l’usine de Bouguenais, notamment des appareils North American NAA57 et NAA 64 pour l’entraînement des pilotes. L’année 1939, voit également l’installation d’une nouvelle chaîne de montage à l’usine SNCAO pour la production d’un tout nouveau bombardier rapide et moderne, le Lioré et Olivier LéO 45 (451 par la suite).
Le 03 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne nazie. Elle suit en cela son alliée, la Grande Bretagne. Les éléments aériens militaires français de Nantes, gagnent le Nord de la France.
Photo aérienne du site en 1940 (Coll Didier Favreau)
En vertu d’accord, des troupes britanniques d’une force expéditionnaire (BEF) arrivent sur le continent et une partie s’installe à Château-Bougon. La partie Ouest du terrain leur est dédiée. Le génie, les mécaniciens anglais vont installer une véritable base arrière en quelques mois, le 21 Aircraft Dépôt, et l’un de ses composants, l’ARSS ( Aeroplane Repair and Salvage Squadron ). Des entrepôts, hangars type Bellman et des baraquements (huttes type Nissen) habillent la campagne environnante à grand renfort de réquisitions. Cette présence aura pour conséquence l’édification d’une tour de contrôle et la mise en place d’une piste en « dur » pour les avions (pour les connaisseurs, orientation 13/31).
La fin de la drôle de guerre avec l’offensive allemande de Mai 1940, sonne le glas des troupes alliées. De nombreux appareils anglais de divers squadron, refluent vers Château-Bougon, qui devient un véritable cimetière de carcasses en tout genre. Les français sabordent les Léo 45 fraîchement sortis d’usine. Là encore, de nombreuses carcasses sont abandonnées, tant sur la bretelle d’accès de l’usine au terrain, qu’aux abords des pistes elles-mêmes. Au cours du repli des soldats anglais vers ST NAZAIRE pour un embarquement (Opération ARIEL), de nombreux personnels rampants des squadron vont périr dans ce qui sera une des plus grande tragédie maritime avec le naufrage du «lancastria» le 17 juin 1940 suite à son bombardement (opération toujours frappée du Secret jusqu’en 2040). Dans le même temps, un pilote militaire français, détaché auprès du squadron 1 de la RAF et originaire de Nantes, se trouve bloqué sur l’aérodrome. Dans des conditions rocambolesques, il s’échappe vers l’Angleterre avec des techniciens anglais, à bord d’un bimoteur dont il ne connaissait pas l’ergonomie des instruments de vol. Jean Demozay deviendra un grand as français de la seconde guerre mondiale.
Les allemands prennent possession des lieux vers le 20 juin 1940 et font main-basse sur de nombreux exemplaires d’appareils d’entraînement (NAA) abandonnés sur site.
1940 – Appareil français abandonné – Au fond NAA57 récupéré par allemands (Coll Didier Favreau)
Epaves d’avions. Au premier plan Fairey Battle anglais (Coll Didier Favreau)
1940- LéO 45 sabordé sur bretelle accès terrain (Coll Didier Favreau)
Ils vont faire une véritable base aérienne de Château-Bougon et pratiquer la spoliation et l’expulsion auprès des propriétaires terriens pour agrandir leur espace vital. Dans l’immédiat, seuls des bombardiers sont présents pour l’attaque de l’Angleterre. La Luftwaffe va rapidement entreprendre de grands travaux, en 1941, avec la construction d’une seconde piste (perpendiculaire à la première) et l’édification de nombreux hangars pour les «staffeln» et autres positions fortifiées. Au gré de l’évolution du conflit, de nombreuses unités se succèdent, allant d’unités de bombardement, de reconnaissance ou d’entraînement.
A leur entrée dans le conflit en 1942, les américains vont bien sûr porter un intérêt pour le terrain de Château-Bougon. La métropole nantaise n’échappe pas aux bombardements, mais celui du 04 juillet 1943 sera destructeur pour les installations aéronautiques. Un événement est toujours d’actualité, suite à l’identification du lieu d’un crash dans le Lac de grand lieu tout proche du terrain. Le pilote de cet avion allemand de la JG 2 (10./JG2), le Lt Rudolf WIEPRECHT est semble-t-il toujours dans son appareil. Une association œuvre pour lui donner une sépulture.
Le déclin s’amorce pour l’armée allemande. A son départ de Château-Bougon, elle ne manquera pas d’y opérer des destructions et d’y faire exploser son dépôt de munitions.
A la fin des hostilités, l’armée de l’air française réinvesti les lieux et maintient les réquisitions prononcées par les allemands. Elle restera présente quelques temps malgré la ruine des installations et la pauvreté des moyens mis à disposition.
Cependant l’arrivée d’une concession d’exploitation pour développer une activité de lignes aériennes, va permettre à la chambre de commerce et d’industrie de Nantes de s’implanter. Elle y construira une première aérogare en bois en 1951, puis une seconde plus moderne en 1959/1960 qui propulsera Château-Bougon vers les hauteurs, en trafic passagers, vers ce qui allait devenir Nantes-Atlantique, aéroport de province d’importance.
Hangars double tonneau. Vue aérienne en 2010. Hangar aujourd’hui détruits (Coll Didier Favreau)
Ancienne tour de contrôle (Coll Didier Favreau)
Note de l’auteur Didier Favreau : Il n’est pas impossible que mon travail de synthèse ne soit exempt d’erreurs. J’invite les lecteurs de cet article qui par leurs remarques constructives, pourront m’aider à corriger et améliorer mon propos.