Témoignages d’appelés du Centre d’Instruction Militaire d’Évreux

Jean-Pierre Pernaut
« Gamin je préférais la presse écrite. L’école supérieure de journalisme de Lille acceptait les non-bacheliers à condition qu’ils soient libérés des obligations militaires.
J’ai effectué mon service militaire à Évreux. J’étais affecté sur la base aérienne, à la 64e escadre de transport. Toute une époque. Il poursuit : J’aime la côte normande, au nord de la région. Et puis la Normandie possède cet immense avantage d’être proche de Paris. On y trouve des maisons formidables, une gastronomie étonnante, des personnages attachants dans l’esprit du 13 h de TF1 ! »
A la base aérienne d’Évreux, le caporal-chef Jean-Pierre Pernaut assiste le colonel commandant de la 64e escadre de transport, ce qui lui laisse largement le temps de potasser le quotidien ‘’Le Monde’’, de la première à la dernière ligne.

Jean-Pierre Raux
C’est en janvier 1969 que Jean-Pierre Raux, président de la Société libre de l’Eure et fin connaisseur de l’histoire ébroïcienne, revêt le treillis sur la base aérienne 105. Enfin, pas tout à fait. « Je faisais partie du premier contingent des nouvelles recrues. Je suis resté une semaine en civil car les uniformes n’étaient pas encore arrivés. » Après ses cinq semaines de classe, l’étudiant en droit est affecté à la chancellerie. « Je m’occupais des affaires juridiques, et du tableau d’avancement. Je tapais des rapports ». Un travail plutôt sérieux qui lui donne une certaine liberté, comme il veut pouvoir rentrer chez lui tous les soirs, car il dispose d’une machine à écrire, « j’établissais moi-même mes autorisations de sortie. J’allais et sortais de la base en solex » raconte-t-il. Il y a de nombreuses personnes connues quand Jean-Pierre Raux effectue son service national sur la BA 105. Au même moment le futur écrivain Patrick Rambaud, y passe 16 mois. « Il est appelé, comme moi. Il estime qu’il perd son temps mais il a toujours été attaché à la Normandie. » Autre future personnalité politique, un certain… Alain Juppé « Je ne l’ai pas connu, et l’ai appris plus tard qu’Il était à l’école des officiers de réserve sur la base ». Soutien de famille, il n’effectue que 12 mois au lieu de 16. Jean-Pierre Raux garde de bons souvenirs de cette période. « Même si je n’étais pas payé, le boulot m’intéressait, je ne me suis pas sali les mains et je n’ai pas crapahuté dans la gadoue ».

Alain Jupé
Alain Juppé fit son service dans l’Armée de l’Air (1969-1970), comme EOR. Il a été aspirant, puis sous-lieutenant, à Évreux. Il deviendra premier ministre du 17 mai 1995 au 2 juin 1997, puis maire de Bordeaux. Pour pouvoir intégrer l’ENA Alain Juppé doit accomplir son service militaire. Il choisit l’armée de l’air et fait ses classes sur la base aérienne 105 en 1969. Alain Juppé se retrouve avec Jean Paul Cluzel, futur patron de Radio France International. Chaque mercredi soir, ils font un bon repas dans un bistrot pas cher « La petite Gabelle » puis se rendent au cinéma le plus proche. L’aspirant Juppé fait également la dure expérience des manœuvres militaires : « un dimanche d’avril 1969, nous avions crapahuté toute la journée sous une pluie battante et monté nos tentes pour la nuit » raconte-t-il. « Je surveillais à la radio les résultats du référendum organisé par de Gaulle sur la régionalisation et la modification du statut du Sénat. Le Général avait averti qu’en cas de réponse négative, il s’en irait. A 20 heures, le verdict tombe : c’est non ! Je me souviens que mes camarades socialistes ont sablé le champagne. Moi j’étais dans l’affliction« . Après quatre mois de classes, devenu sous-lieutenant aviateur, Alain Juppé est envoyé à la base aérienne de Mont-de-Marsan pour une année, jusqu’à la fin de son service.

Patrick Rambaud
Mai 68. Alors que le Quartier latin se hérisse de barricades et que gronde la révolte étudiante, Patrick Rambaud (prix Goncourt 1997) débute son service militaire sur la base d’Évreux. Etudiant depuis quelques mois les lettres modernes à la faculté de Nanterre (92), le jeune Patrick Rambaud, qui avait oublié son sursis pour le service militaire, a brutalement été appelé sous les drapeaux, en plein mai 1968. Sa destination : l’escale aérienne d’Évreux, où il est resté pendant seize mois, du printemps 1968 à l’été 1969. Il avoue sans détours : « J’ai vécu dans la capitale Euroise la période la plus ennuyeuse de ma vie. J’ai mis un an à m’en remettre« , confie-t-il. Vous évoquez la BA 105 d’Évreux, où vous avez effectué seize mois de service militaire. Quel souvenir en gardez-vous ? « La base d’Évreux venait d’être récupérée aux Américains peu de temps avant. Il y avait du brouillard six mois par an. Les avions ne pouvaient pas atterrir sans visibilité. Il fallait monter sur le toit de l’escale aérienne et allumer des fusées vertes pour les détourner vers Taverny (95). J’ai fait ce genre de travail. Je ne me suis jamais autant ennuyé dans ma vie. Un ennui profond et désespérant. J’ai mis un an à m’en remettre… Pendant seize mois, j’ai été le secrétaire du capitaine de l’escale aérienne, un brave homme. Mais en mai 1968, il n’y avait plus aucun officier. Ils étaient tous en congés maladie. Les sous-officiers qui restaient étaient paniqués. Nous étions quelques anciens étudiants à faire tourner la base. »
C’est-à-dire ?
« À cette époque, nous remplacions les douaniers, qui étaient en grève. Ils n’avaient pas le droit de pénétrer dans les avions militaires mais nous, oui. Je me souviens que nous avons saisi, sur le Breguet Deux-Ponts, du matériel hors taxe et des appareils photo« .
Que retenez-vous de cette période, lorsque vous étiez en permission ?
« Il fallait la vivre. C’était une époque plutôt sympathique et joyeuse. À Paris, tout le monde parlait dans la rue. Il y avait une joie que l’on ne retrouve pas aujourd’hui. Les gens avaient envie d’air car la société gaulliste était extrêmement étouffante. Ce n’était pas drôle d’avoir vingt ans sous Charles de Gaulle. C’était serré, coincé, censuré« .

Gauthier Pajona
Souvenir gastronomique Gauthier Pajona journal d’un épicurien volant. « Début 1980, je fis mon service militaire à la base aérienne 105, au bord de la RN13. Les Transall ont depuis lors remplacé les Noratlas que j’ai connus. Nous avions nos habitudes, avec mon comparse, dans une brasserie crêperie du centre-ville, le Concorde. On y mangeait toujours un peu la même chose : salade de riz, brochette de st jacques, crêpes évidemment flambées au calvados, le tout accompagné de nombreux pichets de cidre : « Allez c’est ma tournée ! Non c’est la mienne ! » etc…etc…
On s’y sentait un peu chez nous, et souvent en fin de repas, nous nous mettions à chanter gaillardement. Ça n’était pas du goût de tous les clients, et invariablement le sympathique patron arrivait, une bouteille de Calva à la main : « Les gars, je vous paye un petit coup, mais soyez gentils, bouclez-la ». En général, ça marchait ! Oh mais il faut que je vous raconte ceci : Lors de l’incorporation des jeunes appelés, j’étais en cheville avec un petit troquet voisin de la gare, tenu par Daniel et Danièle, ça ne s’invente pas. A l’arrivée, nos recrues y allaient boire leur dernier verre de civil, tandis que nous y mangions à l’œil ! Danièle savait tenir le manche, et je me souviens encore de son cassoulet, accompagné d’un Saint-Émilion 1964 ! »

Témoignage « Cocoye un jour, cocoye pour toujours. » de Guiseppe Bertoncelli
« Bien que cherchant à me faire réformer, j’ai dû effectuer mon service militaire au sein de la base aérienne 105 durant les années 1984/1985. J’avais à l’époque 18 ans. Je fus affecté à la protection base en tant que « cocoye ». Je passais mon temps entre la surveillance du site et mes gardes à la guérite.
Lors des rondes cyno, je restais légèrement en retrait du maître-chien, mon rôle était de neutraliser l’ennemi qui attaquait…le maître et… son chien. Mobilisable 24 heures sur 24, j’effectuais mes rondes par quart, 7 jours sur 7. On passait 15 jours à la base et 15 jours en repos. A l’époque, j’étais un peu fauché et mon capitaine m’a aidé à m’en sortir en effectuant quelques travaux chez lui. Dans le civil j’étais maçon, alors forcément ça aide… J’ai également pu passer mon permis de conduire avec l’armée.
Même si j’en ai que deux à mon actif, mes meilleurs souvenirs viennent de mes sauts en parachute ! Moment inoubliable d’une expérience que je ne suis pas prêt à renouveler. A l’époque nous sautions sur la DZ de St-André situé à une quinzaine de kilomètres de la base. Je me souviens lors de mon premier saut, ce jour-là, deux passages étaient prévus sur le terrain. Assis sur notre siège, nous attendions le signal du largage. Lorsque celui-ci arrivait, nous accrochions notre SOA (ceinture pour aider à ouvrir le parachute) au câble situé dans la soute A la verticale du terrain, c’était parti pour l’inconnu ! Je voyais les gars sauter les uns après les autres laissant pendre derrière eux leur sac à voile. La pression montait à mesure que j’avançais vers la porte. Suivant la file, je fus stoppé net dans mon élan par le mécanicien de soute. Soulagement, ce ne sera pas cette fois-ci. Mais cela voulait dire que lors du second saut, je serai le premier de la ligne ! L’angoisse me repris. Face à la porte dans un silence religieux, je sentais le vent sur ma peau. J’étais un peu paniqué face à ce vide qui se présentait à moi. L’avion se replaça pour le second tour. Au top je fus un peu aidé à sauter, une pression dans le dos m’encourageant. L’angoisse fit place à la plénitude, car une fois en l’air on se retrouve secoué comme un ballot. L’atterrissage fut une autre paire de manche, l’automatisme militaire revenant : traction et roulé-boulé pour finir ce saut. Je garde un grand souvenir de mes sauts et ce bruit du CLAC, CLAC, CLAC des sangles au moment de sauter.
L’armée m’a apporté pas mal de choses et m’a permis de passer de bons moments« .

 

Aviateur François-Xavier Bibert

L’aviateur Bibert devant son paquetage étalé sur son lit (Coll. Ba 105)

« Après avoir effectué l’école des pupilles de l’air, je suis sorti de l’école des mines. En 1969 j’effectue mon service national dans l’armée de l’air, suivant ainsi mon père, étant fils de militaire. J’avais une haute opinion du service militaire et de la France, mais je ne voulais pas perdre mon temps durant cette période et je faisais partie du 1er contingent à faire 12 mois au lieu de 16. Durant 4 semaines, j’ai effectué mes classes, avec la formation initiale militaire. J’ai été affecté ensuite dans une unité où j’étais chargé de nettoyer, avec des chiffons et de l’alcool, les avions de retour de mission. En fonction des motivations on obtenait un grade. Bidasse à la fin de mes classes et tout droit sorti de l’école des mines, je ne voulais pas perdre mon temps à cette tâche. Ainsi j’ai osé demander audience au Colonel présent dans l’école, à qui j’ai expliqué mon cas. Ma réponse à une question du général : Je me suis occupé d’un foyer de jeunes, j’ai été président des élèves à l’Ecole des Mines, j’ai le goût des relations sociales et un certain talent d’animateur, je suis fils d’aviateur et ancien élève de l’école des pupilles de l’air de Grenoble et je voudrais être utile pendant mon service. Réponse du Colonel : Il n’y a plus d’officier conseil sur la base pour le moment, je vous nomme caporal-chef faisant fonction d’officier conseil en attendant d’avoir vos galons de sergent. Vous vous occuperez du B.A.S.C… Je lui ai répondu : Merci mon Général, vous ne serez pas déçu. Durant la période de service militaire on pouvait détecter de grosses lacunes scolaires parmi les appelés, mais l’armée pouvait, à qui était volontaire, y remédier et faire effectuer un service militaire très utile. J’ai ainsi pu faire ce que je voulais, du social. L’armée de l’air avait à cœur, par l’intermédiaire de ses « Bureaux d’Actions Sociales et Culturelles », de permettre aux jeunes appelés du contingent de reprendre une formation à l’issue de leur service dans des centres de Formation Professionnelle des Adultes de l’A.F.P.A. Sous la conscription l’armée constituait un creuset incomparable où se mêlaient toutes les couches sociales du pays ; le paysan y rencontrait l’étudiant, l’ingénieur côtoyait l’ouvrier. Nous apprenions à vivre ensemble. Mon service national fut une expérience très enrichissante. Alors qu’il était colonel commandant la base durant mon service, en 1970, j’ai eu l’occasion et le plaisir de rencontrer le général Pestre, écrivain en retraite de l’armée, pratiquement 40 ans plus tard. »

 

Lettre du Général Albert Pestre du 28/02/2008 à François Xavier Bibert
« Je garde le meilleur souvenir de mon passage à Évreux et des responsabilités que j’ai exercées là-bas de 1970 à 72 comme commandant de la Base Aérienne 105. Depuis, j’ai eu souvent le plaisir de retrouver des anciens ayant servi sous mes ordres. Cette fois-ci, le hasard m’a mis en présence de François-Xavier Bibert que j’avais connu accomplissant brillamment son Service Militaire comme animateur au sein du Bureau d’Action Sociale de la Base et répétiteur F.P.A., fonctions qui lui permirent de se consacrer à la promotion sociale des jeunes appelés en préparant ceux qui en avaient le plus besoin à reprendre des formations professionnelles au moment de leur retour à la vie civile. Son passage dans l’Armée de l’Air lui aura permis de se distinguer particulièrement puisque l’occasion va lui être donnée en outre de réaliser un projet de livret d’accueil à l’usage des arrivants. Un travail qui sera jugée remarquable et apprécié au point qu’il fera l’objet d’une citation très élogieuse dans la Décision de Base du 9 octobre 1970. Je profite de l’occasion qui m’est ainsi donnée de m’exprimer, pour dire que je conserve le meilleur souvenir des relations de confiance et des contacts chaleureux que j’ai toujours eu avec les jeunes appelés. Ceux-ci nous ont beaucoup aidés comme je crois que nous leur avons beaucoup apporté pendant les mois qu’ils ont passés à nos côtés sous les drapeaux. C’est pourquoi je tiens à dire à quel point j’ai regretté la suspension du Service militaire, une période qui fut très formatrice pour les jeunes, spécialement pour ceux qui étaient en difficulté ou en perdition. Bien réorganisée et profondément réformée, le maintien de cette institution nous aurait permis d’éviter bien des déboires dans nos banlieues et même à l’échelle nationale.
Avec mes sentiments les plus cordiaux,
Général de Division Aérienne Albert Pestre Inspecteur des Réserves Armée Air.
Le Général Albert Pestre est décédé le 18 novembre 2009 à l’âge de 85 ans. »

 

Un souvenir du Centre d’Instruction Militaire d’Évreux par un appelé du contingent
« Par bien des aspects, le mois de classes au CIM peut se comparer à une pièce théâtrale. Comme celle-ci, il réunit tout à la fois ses personnages, ses costumes, son décor, le thème choisi étant en l’occurrence l’apprentissage de la vie militaire. Les aléas et les bafouillages de cet apprentissage ont été, lors du dernier CIM, à l’origine de quelques scènes assez savoureuses qui n’engendrèrent pas la mélancolie. La pièce théâtrale en question s’étira bien sûr quelque peu en longueur mais la variété et le pittoresque de certains actes a banni tout ennui. Le rideau se leva d’un bon matin devant la gare d’Évreux. Là patientait un groupe d’élégants jeunes hommes, arborant pour quelques heures encore leur longue chevelure éphémère, la tête débordante des idées préconçues qui caractérisent pour eux le service national. Mais ce décor changea rapidement, un car militaire transporta ces jeunes gens quelque peu interloqués en pleine campagne, à travers champs ou presque, plus exactement au CIM de la base 105. Cette impression de vie au grand air, cette illusion de liberté rassurèrent a priori les plus pessimistes qui se voyaient déjà enfermés dans l’enceinte d’une sombre caserne entourée de mûrs grisâtres et infranchissables. Le décor étant en place, il restait à mettre en scène les acteurs. En marge de la distinction (quasi sacrosainte) gradés, hommes du rang, tout un éventail de personnages bien typés naquit au sein même de chaque chambre. Ainsi se révélèrent le dynamique, le souffre-douleur, le fayot, le tire au flanc, l’intellectuel, le boute en train, le sportif, le petit marrant, etc. Chacun contribua à sa manière à créer l’ambiance de la chambre. Le personnage qui joue également un rôle important au CIM, c’est la ‘’nénette’’ aussi paradoxal que cela puisse paraitre. En effet, si malheureusement elle est absente physiquement, elle est omniprésente dans l’esprit de tout militaire qui se respecte. Au CIM elle est à la fois le réconfort moral du bidasse, le sujet préféré de ses rêves… Elle reçoit régulièrement ses lettres tendres et attends là-bas patiemment au village, du moins l’espère-t-on. Cette ‘’nénette’’ fut d’ailleurs à l’origine d’une scène assez drôle du mois de classes. En effet, certaines ne pouvant visiblement se passer de l’élu de leur cœur, vinrent essayer de le retrouver aux abords du CIM un colis à la main. Le meilleur souvenir de ce mois restera certainement le baptême de l’air. Trois Noratlas permirent à tous les appelés d’apprécier sous un angle inhabituel les charmes multiples de la campagne normande entre Évreux et le pont de Tancarville. De retour à la base, nous fûmes conviés à une visite des installations de la SSIS, de la tour de contrôle et de la salle d’approche, visites commentées qui ne manquèrent pas d’intérêt. Mais même dans le domaine militaire, il existe un revers de la médaille et ce n’est pas une boutade. Il serait, je crois plutôt mal venu de passer sous silence les séances de marche au pas souvent laborieuses et dont la raison d’être n’est pas toujours évidente. Des notions, la plupart du temps oubliées telles, la discipline, la rapidité de réaction, l’ordre, l’alignement nous furent réinculqués, quelquefois à grande dose de ‘’gueulantes’’. Mais c’est un des morceaux de choix du folklore militaire qu’il faut à tout prix sauvegarder
Les décrassages matinaux très peu appréciés des appelés eurent au moins l’avantage d’être à l’origine d’une anecdote assez savoureuse. Au cours de l’une de ces séances, dans la pénombre du couloir, un bleu tapa amicalement sur l’épaule de son voisin en l’interpellant « grouille-toi, il parait que le capitaine est dans le coin ». Il ne croyait pas si bien dire, il venait de taper sur l’épaule de son propre capitaine en survêtement, venu vérifier le bon déroulement de ces décrassages. N’en doutons pas, celui-ci accorda au bleu l’absolution. Tous les soirs, à partir de 18h00, la vie de chambrée reprenait ses droits. C’est là qu’il faut chercher le vrai mérite du mois de classes, à travers ces colis chaque fois partagés, la solidarité totale, le refus complet d’égoïsme pour les copains d’un mois que l’on croit connaître depuis toujours« .

 

Un peloton spécial d’élèves gradés non-officiers (PSEG)
« 1er octobre 1972, le PSEG se constitue. Tiens un nouveau sigle dans l’armée ! Au fil des heures nous arrivons sur le quai de la gare d’Évreux, et, de là, à la base aérienne 105. Le poste de police passé, une nouvelle vie commence et malgré les fanfaronnades de quelques-uns, une angoisse extrême nous étreint : Qu’est ce qui va nous arriver ?
Quasiment bras ouverts, ces nourrices, que nous appellerons bientôt caporal-chef ou sergent, nous installent dans nos appartements. Première surprise : pas de grandes chambrées anonymes, mais une chambre pour trois avec un cabinet de toilette où l’eau chaude et l’eau froide coulent presque à volonté.
Malgré tout, ce n’est pas qu’une partie de plaisir qui nous attend et nos journées sont plus que bien remplies. Entre les divers cours et la manœuvre à pied, le peu de temps qui nous reste est rapidement comblé par le nettoyage de notre bâtiment et les nouvelles à envoyer à la famille ou bien sûr à la tendre épouse !
Après trois semaines d’instruction arrivent les examens. C’est le moment où chacun révise un peu sa conscience : ai-je bien fait tout ce qu’il fallait pour réussir ?
Cependant les soucis font vite place à la décontraction d’autant que ces Nords 2501 que nous voyons, de loin, décoller et atterrir tous les jours, nous allons enfin les approcher. Notre baptême de l’air a été prévu et c’est avec un mélange de joie intense et de crainte que nous attachons nos ceintures dans l’avion. Les moteurs vrombissent, la carlingue vibre, et enfin les roues quittent le sol.
Pour la première fois nous ne sommes plus des gonfleurs d’hélices, nous volons bel et bien. Vue de haut, tout une autre dimension : Que les maisons sont petites !
Quelques camarades ont pâli un peu, mais cela se passe bien et nous reposons le pied sur le plancher des vaches, avec l’impression de connaître un autre monde.
Les examens passés (avec succès bien sûr) notre peloton se termine. Le sourire est sur toutes les lèvres et nous quitterons, malgré tout, avec un peu de regret notre bâtiment de CIM pour nous diriger vers nos bases d’affectation où nous attendent nos futurs galons de caporal-chef ou sergent.
Le peloton spécial d’élèves gradés de la 72/10 lève son verre et souhaite bonne chance et bon courage à ses successeurs. »
– Un élève gradé caporal –

Sources :  Souvenirs de stars et d’appelés de CIM. Archives journaux La Dépêche et Paris-Normandie

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Article réalisé en complément du livre Collection Aérodromes n°11 Évreux – Fauville