(mise à jour et compléments de l’article de Paul Mathevet (membre 2A) et du Cercle Aéronautique Louis Mouillard, paru dans la revue 2A de mai 2013)
La création du Comité National pour l’Aviation Militaire
La promulgation de la loi du 29 mars 1912 constituait l’acte de naissance de l’aéronautique militaire. Elle consacrait, non seulement, l’existence de l’aviation aux côtés des quatre armes de tradition, mais elle définissait également son fonctionnement. C’est alors qu’apparaît la notion d’escadrille.
En 1912, une vaste campagne nationale, soutenue par les grands journaux nationaux de l’époque qu’étaient «Le Temps» et «Le Matin» aboutissait à la création d’un Comité National pour l’Aviation Militaire, présidé par Georges Clemenceau, qui lançait une souscription nationale. Puis, la fusion du Comité National pour l’Aviation Militaire et de l’Association Générale Aéronautique donna naissance à la constitution de la Ligue Aéronautique de France. Des Comités départementaux d’Aviation, sous l’égide de la Ligue Aéronautique de France, étaient créés afin de recueillir cette souscription qui atteignait en février 1913, presque quatre millions de francs-or…
Ainsi, des villes, des régions, des établissements industriels ou commerciaux, des associations souscrivent et leur nom est donné à des avions. Cet argent permettait d’équiper les escadrilles en formation dans l’aéronautique militaire, mais aussi à servir à l’édification de hangars pour abriter les aéroplanes militaires sur les terrains de manœuvres des garnisons.
Les stations aériennes ou stations d’aviation
Ce fut d’abord la création de nombreux terrains d’atterrissage indispensables à l’aviation militaire. En 1912, trente-deux stations d’atterrissage sont actuellement en voie d’exécution et seront bientôt achevés. Ce sont celles d’Avesnes, Biarritz, Brienne-le-Château, Chambéry, Châtillon sur Seine, Chaumont, Commercy, Coulommiers, Dole, Évreux, Gray, Joigny, Langres, Longwy, Lunéville, Meaux, Neufchateau, Pont-à-Mousson, Remiremont, Rethel, Saint-Dié, Saint-Dizier, Saint-André-de-Cubzac, Saint-Quentin, Sézanne, Soissons, Troyes, Valenciennes, Vesoul, Vienne, Vitry-le-François, Vouziers. Vingt-cinq autres stations seront très prochainement créées à Saint-Omer, Chauny ou Laon, Vervins, Montmédy, Sainte-Ménéhould, Briey, Semur, Beaune, Mâcon, Montargis, Cosne, Nevers, Roanne, Lons-le-Saunier, Besançon, Tours, Angoulême, Mont-de-Marsan, Limoges, Périgueux, Marmande.
La carte des stations d’atterrissage, établie par M. Blondel de la Rougery, distingue les stations aériennes, qu’elles aient pour origine la souscription du Comité National ou des comité locaux, des centres militaires et stations civiles. Les stations étaient équipées d’un hangar pour la majorité.
A la recherche de hangars de type Comité National (CN)
Cette localisation des stations aériennes établies ou en cours permet de vérifier l’existence ou non d’un hangar de type Comité National. En prenant quelques exemples, on s’aperçoit que de nombreuses stations ont conservé au fil du temps leurs hangars ou les traces caractéristiques de leurs implantations. Par ailleurs, si les dimensions de ces hangars avoisinent le plus souvent 20 m par 20m, on peut noter quelques différences au niveau des ouvertures latérales principalement.
Quelques exemples en Rhône-Alpes :
Pour la région Rhône-Alpes, ces hangars devaient être implantés à Bourg, Roanne, Vienne, Chambéry (Challes-les-Eaux), Grenoble et Montélimar. Les terrains de Bron, Ambérieu-en-Bugey et Saint- Etienne-Bouthéon n’étaient pas concernés, du fait de l’existence d’une école d’aviation. De plus, la création d’un centre d’aviation militaire était envisagée sur ces terrains. Nous n’avons comme connaissance d’implantation officielle que les hangars de Vienne, de Montélimar et de Challes-les-Eaux.
Vienne – Reventin (Isère)
Un projet de «station d’atterrissage militaire à Reventin» est envisagé dans le cadre de la souscription nationale. Le terrain de manœuvres de la garnison de Vienne qui se situe, au sud de la ville, sur la commune de Reventin est proposé. Le 24 avril 1913, le Comité Viennois d’Aviation Militaire, constitué de 80 membres, se réunit à la Chambre de Commerce de Vienne, afin d’étudier le projet «d’élever un spacieux hangar destiné à abriter les aéroplanes et un logement pour le gardien». La Municipalité de Vienne s’engage à fournir la bande de terrain nécessaire, soit 3000 m2, attenant au champ de manœuvres. La Commune de Reventin s’engage à fournir un employé communal pour le gardiennage du hangar. D’une superficie au sol de 400 m2, ce hangar construit à l’angle nord-est du champ de manœuvres de cavalerie pourra abriter quatre aéroplanes.
Cette station d’atterrissage militaire est inaugurée, le 9 novembre 1913, lors d’une fête aérienne au cours de laquelle, le maréchal des logis Aimé Vallet, un Viennois, sur aéroplane REP, fut le pilote du premier appareil à s’être posé.
Dans les années 2000, vendu à une entreprise, ce hangar sert au stockage de marchandises. [NDLR : Le hangar a depuis subi des transformations diverses, qui ont conduit à la suppression des grandes portes au profit d’un mur en maçonnerie]
Challes-les-Eaux (Savoie)
C’est le 20 février 1913, sur le terrain de manœuvre de la garnison de Chambéry, qu’est envisagée, par le Comité d’aviation local, la création d’une «halte d’aviation» à Challes-les-Eaux. Un hangar pour abriter les aéroplanes militaires est construit aux frais du Comité d’Aviation local. Le 23 juin 1913, lors de son tour de France aérien, le lieutenant Antonin Brocard, sur avion Deperdussin de type militaire, se pose sur le terrain d’aviation de Challes-les-Eaux. Le Capitaine Joseph Barrès, sur aéroplane Farman, réalise un voyage de plus de 2000 kilomètres à travers la France, en passant à Challes-les-Eaux, le 31 août 1913, avant de repartir pour Grenoble et Lyon. Le 16 octobre 1913, la «station d’atterrissage» de Challes-les-Eaux est inaugurée. Elle comprend un hangar de 20×20 mètres, une chambre pour aviateur et un logement pour le gardien. Les aviateurs Louis Mouthier et Charles Audenis, ainsi que le pilote militaire le lieutenant Fontaine participent à cette inauguration. Le biplan Farman, type H, baptisé «Savoie» financé par les Savoyards dans le cadre de la souscription nationale est présenté en vol par le canonnier Blot.
En 2013, ce hangar existe toujours sur la plate-forme de l’aérodrome de Challes-les-Eaux.
Autres exemples :
Évreux :
9ème station aérienne construite, celle d’Évreux a fait l’objet d’une souscription locale à l’initiative du Docteur Lerat. Inaugurée le 9 juin 1913, la station d’Évreux prit le nom de halte Bellenger. Plus d’informations dans notre ouvrage Évreux-Fauville
Brienne-le-Château :
Limoges – Mas de l’Âge (commune de Couzeix)
Concernant ce terrain, nous renvoyons les lecteurs vers le site du Conservatoire Aéronautique du Limousin. Grâce notamment à l’action de M. Taurisson, un hangar de type Comité National a été conservé sur la commune de Couzeix, où se situait le premier aérodrome de Limoges. Les photos parues dans la presse permettent de confirmer la structure de la charpente métallique de ce type de hangar.
Semur-en-Auxois et Châtillon-sur-Seine
Sur le terrain de Semur-en-Auxois, un hangar de type Comité National est encore dans un état proche de celui d’origine. En revanche à Châtillon-sur-Seine, le hangar d’origine semble avoir bénéficié de rénovations de son enveloppe qui ne permettent pas de reconnaître le type CN au premier coup d’oeil. Mais l’étude des photos aériennes anciennes permet de confirmer sa localisation sur l’aérodrome.
Saint-André-de-Cubzac
Dès août 1911, Saint-André-de-Cubzac est mentionné dans une liste de terrains où les aviateurs pourront recevoir de l’assistance de la part de sociétaires de l’Association Générale Aéronautique. Les délégués et sociétaires de l’Association Générale Aéronautique, sont en fait une émanation de l’Aéro-club de France fondée le 10 juillet 1910.
Le terrain d’atterrissage de Saint-André-de-Cubzac est un des nombreux terrains destiné à renforcer la cinquième arme, comme l’aéronautique militaire était surnommée à l’époque. Un des buts de l’Association Générale Aéronautique est de permettre de développer le tourisme aérien par l’extension et le renforcement du maillage des aérodromes sur le territoire. Ces terrains étant aussi, et surtout, à orientation militaire, puisque financés en large partie par les subsides récoltés dans le cadre de la souscription nationale pour le développement de l’aviation militaire. C’est donc sans surprise qu’un an après les premiers travaux des délégués, au milieu de novembre 1912, L’Aéro indique que « Le terrain d’atterrissage de Saint-André-de-Cubzac vient d’être accepté par le Ministre de la Guerre. Les travaux vont commencer incessamment sous la direction des autorités militaires de façon à ce que le terrain soit définitivement prêt au printemps prochain. Saint-André-de-Cubzac est le premier terrain militaire de la Gironde ». Le même périodique, dans l’article « Les terrains d’atterrissage de France » range Saint-André-de-Cubzac dans la liste des terrains avec un hangar en construction.
Dans le Bulletin de l’Association Générale Aéronautique d’octobre 1913, l’article sur l’inauguration de la station d’atterrissage de Saint-André-de-Cubzac présente le hangar de 20m par 20m comme de type Comité national.
Sur les photos aériennes en 2013, il ne reste que les murs des longs-pans auxquels ont été accolés des constructions diverses.