Terrain d’aviation
de Marcilloles-Chambarran ou de Penol-Les Burettes
Le domaine des Burettes (forêt et communaux) appartenait avant 1789 au Seigneur Artus de la Croix de Chevrière, Marquis de Sayve d’Ornacieux. En 1890, un partage amiable par acquisition des communaux de ce domaine est réalisé entre les communes de Penol, Balbins, Sardieu et Marcilloles.
Le 24 février 1928, le Minsistre de la Guerre envisage l’acquisition et l’occupation d’urgence par le Service d’Artillerie du terrain des Burettes, situé sur la commune de Marcilloles, pour l’enfouissement des bombes déposées au polygone de Marcilloles depuis 1918. Environ 33 hectares sont expropriés pour cause d’utilité publique.(1)
Jouxtant ce précédent terrain, à l’est, l’Administration des Domaines se porte acquéreur en janvier 1934, d’un terrain de forme trapézoïdale de 600 x 500 mètres environ à usage de terrain d’aviation.
Ce terrain est mis à disposition de l’Aéroclub de la Plaine de Bièvre. L’axe d’envol et d’atterrissage est nord-sud. Le terrain ne comporte aucune infrastructure à l’origine. Ultérieurement, un petit hangar métallique surmonté d’une manche à air est installé en lisière sud-ouest du terrain.
Entre les deux guerres, les avions militaires d’observation, qui participent à « l’éclairage » des troupes en manoeuvres sur le camp militaire du Plateau de Chambaran, se posent sur un terrain dénommé « des Burettes », proche de Marcilloles.
Ce terrain se situe à environ 50 kilomètres au sud-est de Lyon et à une égale distance au nord-ouest de Grenoble, entre les localités de Beaurepaire et et de La Côte Saint André, dans le département de l’Isère. Ce terrain d’aviation est communément appelé :
• par les autorités civiles : Penol Les Burettes.
• par les autorités militaires : Chambaran-Marcilloles (probablement par la proximité du camp militaire de Chambaran).
Situation de l’aérodrome (localisation Paul Mathevet)
Le dimanche 6 mai 1934, à l’occasion de l’inauguration de l’aérodrome de la Bièvre, un meeting est organisé par l’Aéroclub du Dauphiné et le tout nouveau Aéroclub de la Bièvre.
A 15 heures, le Lieutenant-Colonel Ruby, commandant le 35ème Régiment d’Aviation de Bron coupe le ruban symbolique tendu entre deux avions. Quinze aéroclubs de la région participent à cette manifestation à laquelle assiste environ 6000 spectateurs qui ont acquittés un prix d’entrée : pelouse 6 francs, réservé 10 francs, voiture 3 francs. Parmi les pilotes présents : Guenon de l’aéroclub du Dauphiné sur Potez 43, Perrier de l’Aéroclub de La Tour du Pin sur Caudron Phalène, Burlaton de l’Aéroclub du Rhône sur Caudron Phalène et planeur Chapeau, Lumière Président de l’Aéroclub du Rhône sur Morane 230. Le meeting se termine par un saut en parachute du lyonnais Sauze. La toute première spectatrice à prendre le baptême de l’air est Mademoiselle Suzanne Melisson, âgé de 14 ans.
En octobre 1938, des expropriations sur 46 hectares de terrains sont prononcées par le Ministère de l’Air en vue de l’extension du terrain d’aviation sur les communes de Sardieu et de Marcilloles, ce qui porte la surface du terrain d’aviation à environ 80 hectares.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le 30 août 1939, la Compagnie de l’Air 151/105 prend en compte l’organisation logistique et l’aménagement du terrain d’aviation de Chambaran-Marcilloles. Des fosses sont creusées pour accueillir les soutes à essence, des tranchées sont aménagées en lisière du terrain, quelques baraques en bois sont mises en place à proximité du hangar métallique.
Le 2 septembre 1939, le Groupe de chasse III/7 venant de la base aérienne de Dijon-Longvic occupe le terrain. Ce Groupe, sous les ordres du Commandant Cremont, est composé de deux escadrilles. Cette unité est équipée de 24 Morane Saulnier 406 et d’un Potez 63 pour la reconnaissance et le renseignement. L’effectif du groupe se situe entre 100 et 130 militaires se répartissant en 25 pilotes, 40 à 50 mécaniciens et 60 hommes de troupe.
(Fonds Paul Mathevet)
Le sol du terrain est constitué de galets et à plusieurs reprises les appareils partent « en cheval de bois » suite à l’éclatement d’un pneu sous l’effet de ces fameux galets. Aussi, dès le 5 septembre, tout le personnel du groupe, officiers compris, procède au ramassage des pierres sur la zone d’atterrissage. Mais il s’avère que ce travail sera beaucoup plus long que prévu, aussi il est demandé au commandant du camp de Chambaran que la centaine de civils allemands internés travaillent sur le terrain jusqu’au 15 septembre.
Du 10 au 17 octobre, le Groupe de chasse II/3 stationne sur le terrain.
Du 21 octobre au 9 décembre, le Groupe aérien d’observation GAO 543 accompagné de la section spécialisée du parc 208/102 se partage entre le terrain de Marcilloles et celui de Saint Etienne de Saint Geoirs. Cette unité est équipée de 5 Breguet 27, 2 Potez 25, 8 Potez 540 et 1 Caudron Simoun.
Le 9 décembre, le détachement de transmission 147/108 venant d’Istres renforce le potentiel du terrain. Le 10 décembre, l’échelon roulant du Groupe aérien de reconnaissance GAR I/55 quitte le terrain d’Orange-Plan de Dieu (Vaucluse) pour celui de Marcilloles. Il sera suivi le 12 de l’échelon volant qui se compose de 10 Bloch 131 et de 5 Potez 63/11 et de la section photo 6/108.
Le mois de janvier 1940 est très froid, ce qui rend les départs des appareils très difficiles. En fin de mois, les camions insufflateurs d’air chaud arrivent, ce qui permet de reprendre les missions d’entrainement avec le Groupe de chasse III/9 basé à Bron.
Entre le 20 et 25 mars, le GAR 1/55 quitte le terrain et rejoint celui de Lure-Malbouhans (Haute-Saône).
Du 28 mars au 20 avril, le GAO 518 venant du terrain de Grenoble-Eybens stationne sur le terrain.
(Fonds Paul Mathevet)
Venant du terrain de Lure-Malbouhans, le GAR II/55 accompagné de la section photo 8/105 s’installe sur le terrain. Le 18 mai, par suite d’une perte de vitesse à l’atterrissage, le Potez 63/11 n°66 piloté par le sergent-chef Martini s ‘écrase dans un champ qui borde le terrain ; le lieutenant Manescau observateur et le sergent-chef Carassou sont tués alors que le sergent-chef Martini est seulement blessé. Le 19 mai 1940 à 8 heures, l’échelon roulant du GAR II/55 quitte le terrain pour celui du Bourget en région parisienne. Il prendra part aux missions de reconnaissance devant l’invasion allemande et perdra en 3 jours, 30% de son effectif avec 11 tués, blessés ou disparus.
En mai 1940, devant le développement rapide des événements, le terrain de Marcilloles voit une importante activité aéronautique avec la présence simultanée de plusieurs groupes d’aviation.
Le GAR II/14 est créé le 1er mai sur le terrain de Marcilloles en prévision du proche conflit avec l’Italie. Tout est à constituer, il n’y a pas d’hommes, pas d’appareils, pas de véhicules de transport. Le commandant en chef des forces aériennes décide de prélever par tirage au sort dans neuf groupes de reconnaissance : un appareil, son équipage et un mécanicien. Le 9 juin, 8 Potez 63/11 et 1 Potez 63/7 constituent le parc du Groupe II/14 sous les ordres du Commandant de La Vaissière. Le 13 mai, la section spécialisée du parc 48/106 renforce le potentiel du groupe, suivie de la section photo 13/112 et de la section d’éclairage des terrains 120/105.
Alerte générale le 1er juin 1940, le terrain est survolé vers 12 h 15 par 13 Heinkel 111 et 2 bombes tombent sur le terrain : pas de victime, 1 baraque est atteinte.
L’Italie déclare la guerre le 10 juin. L’ordre est donné de déclencher une mission de reconnaissance sur Turin, mais les mauvaises conditions météorologique sur les Alpes ne la permettent pas.
Les événements se précipitent devant l’avance de l’ennemi : le Groupe de chasse I/5, qui vient de se couvrir de gloire au-dessus du nord de la France, fait le plein sur le terrain le 18 juin vers 9 heures ; le Groupe de chasse de nuit V/13 se replie en passant par le terrain. Ce même jour, la Compagnie de l’Air 151/105 fait mouvement vers le terrain de Béziers-Vias et le GAR II/14 pour celui d’Orange-Plan de Dieu.
La totalité des terrains retourne à l’activité agricole en 1942, puis est définitivement rétrocédée aux divers propriétaires le 9 septembre 1963. Ainsi, la commune de Sardieu rachète 24,6 hectares le 11 mai 1964 et les revend à treize agriculteurs de Sardieu le 8 octobre 1964. Le hangar métallique a été démonté et réinstallé sur un terrain d’aviation dans la région.
Vue générale du terrain en 1934: au premier plan, entre la route et le bois, le dépôt des bombes
(1) En 1918, une terrible explosion ravagea le Polygone de Grenoble. Il fut pris la décision d’éloigner d’une grande ville un stock de munitions aussi important. 30000 bombes pesant 4000 tonnes et contenant 2000 tonnes d’explosif furent transportées, au lieu-dit ‘Les Burettes’, le long du chemin qui va de Marcilloles à Penol. En 1921, on commença la destruction de ces explosifs, mais en 1923, lors de ces travaux, une explosion tua de nombreux ouvriers, ce qui eut pour effet d’arrêter les travaux de destruction. Une solution fut trouvée : enfouir les bombes. Le terrain sur lequel étaient entreposées les bombes se situe sur la commune de Penol mais appartient à la municipalité de Marcilloles. Mais ce terrain est convoité par l’aviation militaire pour en faire un terrain d’atterrissage pour les appareils qui participent aux manoeuvres sur le camp militaire de Chambaran. On se mit d’accord pour l’acquisition par l’Etat, d’autres communaux situés de l’autre côté du chemin. En 1928, l’Etat se porta acquéreur de 33 hectares de terrains afin d’enfouir les bombes.
Le temps a passé et en 2011 les 30000 bombes sont toujours là dans un enclos grillagé. Chaque année, au cours de l’été, les riverains redoutent qu’un feu de chaume mettent le feu au stock.
Aujourd’hui, on parle d’élimination et de stockage des déchets des centrales nucléaires, mais plus de 90 ans après la Première Guerre mondiale, on n’a toujours pas éliminé les explosifs de l’époque….
Paul Mathevet
Remerciements : Général V.Tanguy, Messieurs Bonat, Boucaud, Cohard, Duc, Lucas, Mutin et Vigneron, hélas, tous aujourd’hui disparus. Monsieur Gerard Bredillet et le Service Historique de l’Armée Département AIR.
Contribution à la Mémoire Aéronautique Groupement Antoine de Saint Exupéry Les Vieilles Tiges
Historique du terrain d’aviation de Marcilloles-Chambaran ou de Penol-Les Burettes © Copyright Paul MATHEVET 12/2011
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Mise en page André Hautier (membre 2A)