Le dépôt de munitions de la base OTAN de Mirecourt

Pierre Labrude

Les dépôts de munitions des anciennes bases aériennes ne semblent pas avoir beaucoup intéressé les chercheurs. Pourtant, ces infrastructures, tout comme les dépôts de carburants, sont indispensables au fonctionnement des forces aériennes en temps de crise ou de guerre. Aujourd’hui, alors que beaucoup de bases disparaissent par fermeture, abandon, voire destruction, les bâtiments de ces dépôts, situés le plus souvent hors des emprises et fréquemment à l’abri dans des boqueteaux, ne sont pas susceptibles d’être démolis aisément car ils sont solides mais, s’ils n’ont pas été vendus, ils risquent d’être « oubliés » par leur propriétaire militaire et soumis à des occupations sauvages, dégradés et engloutis par la végétation.
Les dépôts des anciennes grandes bases dévolues à l’Armée de l’Air américaine comme Chambley-Bussières, Etain-Rouvres ou Chaumont-Semoutiers, sont très proches de leur périmètre, quelques centaines de mètres, et l’accès au terrain se fait par une route particulière qui prend naissance dans la base, la clôture étant la même que celle de la base. En d’autres termes, la base et son dépôt ne font qu’un. La situation n’est pas identique dans les deux bases canadiennes : à Grostenquin, un dépôt existe à l’intérieur même de l’emprise entre les deux marguerites Est, cependant qu’à Marville le dépôt est très proche mais son accès nécessite de sortir de la base et de la contourner partiellement (1).
La situation est identique à celle de Marville dans les deux bases OTAN implantées dans le département des Vosges : Mirecourt-Juvaincourt et Damblain

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A l’origine, la base de Mirecourt devait être une base opérationnelle. Elle disposait, à ce titre, de deux dépôts de munitions dont la réalisation n’a pas été très simple. Au tout début du projet, en 1952, il est fait acquisition du bois des Rappes, bois situé sur la commune de Puisieux d’une superficie de plus de 6 ha.

En juillet 1954, lors de la réunion du Comité d’Infrastructure de l’OTAN qui décide du déclassement de la base, la question du dépôt est évoquée. De forme rectangulaire, ce dépôt comprend trois parties – une grande, une moyenne et une petite – séparées par une route. Situé à proximité du « parking B », il est donc nécessaire d’élever des merlons. Quant à la route d’accès, elle communique directement avec ce parking.

Le dépôt n’est, en fin de compte, pas construit, en raison, peut-être, de son emplacement trop proche de la base. Le changement de statut de la base ne semble pas être à l’origine de la modification du projet. En effet, des dépôts tels que Toul-Rosières, Etain-Rouvres ou Marville  diffèrent peu de ceux de Mirecourt. Seul le nombre de bâtiments varie.

Les infrastructures aéronautiques ont été construites entre le printemps et l’automne 1953. Un dépôt provisoire de munitions dit « dépôt d’alerte » est ainsi réalisé. Il figure sur un plan de masse de 1957 à proximité du « parking A » (marguerite ouest).

Il comprend 11 emplacements situés de part et d’autre d’une route (5 du côté ouest et 6 à l’est). Ils sont répartis asymétriquement sans jamais se faire face. Chaque emplacement est, semble-t-il, constitué d’un bâtiment rectangulaire (appelé « igloo » selon la terminologie OTAN). Il est entouré de merlons sur trois de ses côtés.

Il ne reste rien de ce premier ensemble.

Quant au second dépôt, certainement plus récent, il est réalisé suite à une décision ministérielle du 9 juillet 1956. Cinq projets sont déposés en novembre avec, pour chacun, leur coût prévisionnel : « Bois de Rappes », « Domvallier », « Bois du Franquillon », « Grand Bois de Repel » et « Bois Pralet ». Ce dernier, situé le long de la départementale 14 entre Totainville et Oëleville, est retenu car c’est le moins coûteux (142 millions de francs de l’époque). C’est l’entreprise Joseph Cracco qui réalise ce dépôt en 1961.

Les bâtiments en dur sont au nombre de six : trois abris bétonnés en V renversé et trois bâtiments classiques. Les abris ou « igloos » sont fermés par une porte métallique blindée. Des merlons séparent chaque construction.

 

Sources documentaires

(1) MacAuliffe J.J., U.S. Air Force in France 1950-1967, Milspec Press, San Diego (CA 92110), 2005, p. 167 (Chambley-Bussières), 220 (Chaumont-Semoutiers), 284 (Etain-Rouvres), 444 (Grostenquin) et 450 (Marville).

(2) Labrude P., La base aérienne de secours OTAN de Mirecourt-Juvaincourt (1952-1967), Anciens aérodromes, 2014, bulletin n° 47, p. 2-7.

Archives départementales des Vosges (AD Vosges), 1000 S 836.

AD Vosges, 1000 S 835.

« Aérodrome de Mirecourt, plan de masse », Ponts et Chaussées, Epinal, numéro 366, 15 février 1957. Archives de l’aéroport d’Epinal-Mirecourt, document communiqué à l’auteur par Monsieur Faliguerho, juillet 2012.

Service historique de la défense, Vincennes, 50 E 36818 (Levaillant A., Rousseau D., Gallien P. et Beylot M., Direction de l’infrastructure de l’Air 1945-1994, répertoire numérique détaillé de la sous-série 50 E, Armée de l’Air, Service historique, 2003, p. 206).

Archives de l’entreprise Joseph Cracco, rapport de présentation d’activité, Société routière et de dragage de l’Est, Charmes (Vosges), document communiqué à l’auteur par Mademoiselle Leroy, septembre 2012.

Mise en page Laurent Bailleul