par Richard Jozefiak – 1997
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Sur l’emprise de la Flugplatz de Lille-Vendeville, dramatique atterrissage forcé à Ennetières-les-Avelin d’un chasseur de nuit Blenheim IF, YP O M (L8616) du 23th Squadron RAF.
En cette année sombre de 1941, la Royal Air Force se défend des attaques de la Luftwaffe menées contre l’Angleterre tout en lançant des raids offensifs et d’harcèlements en territoire occupé par les Allemands. Le 23th Squadron du 11th Fighter Group RAF avec ses chasseurs lourds à grands rayons d’action pouvant pénétrer profondément en territoire ennemi, intervient dans des incursions nocturnes dans le Nord de la France, en Belgique ou en Hollande.
A cette époque, le 23th Squadron aux ordres du Wing Commander G.Heycock est basé à Ford (Sussex). Cette unité est équipée de Bristol Blenheim IF, type d’appareil qui donne son plein emploi comme nightfighter. Il s’agit d’un monoplan bimoteur triplace (pilote, navigateur-bombardier, radio-mitrailleur), entièrement métalliques pourvu d’un train tricycle escamotable et de deux réservoirs de carburant d’une capacité totale de 1080 litres, et pouvant voler à une vitesse maxi de 428km/h à 3600m d’altitude avec une distance franchissable de 1800km… Il est armé de mitrailleuses Browning 303 (7,7mm) : une dans l’aile, quatre placées dans la partie inférieure du fuselage, et une Vickers K 303 dans la tourelle dorsale Bristol à commande hydraulique. Un chargement maximum de 454kg de bombes explosives ou incendiaires peut être transporté dans la soute. (4bomb.x110kg ou 2bomb.x230kg) ou en mélange avec la norme de petites bombes Container (SBC) : incendiaires de 20Ibs (9kg) ou explosives de 40Ibs GP (18kg). (Nota : en 1939-40, le Blenheim était utilisé comme bombardier moyen mais après avoir connu des revers en raison de sa faible vitesse et maniabilité face aux chasseurs de la Luftwaffe, la RAF relégua ce bimoteur à la fonction de chasseur de nuit avec de meilleures conditions de réussite qu’auparavant. Il a été l’avion qui perdit le plus d’équipages que tout autre modèle de la RAF). Fin avril 1941, le 23th squadron sera dans un processus de conversion sur bimoteur Douglas Havoc Mk I.
Après une période hivernale peu propice aux missions de nuit, le 23th Squadron (code YP) ayant pour devise : « Semper Aggressus » (toujours attaquer) intensifie ses activités en avril 1941 en alternance avec le flight A et B.
Au cours de la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 avril 1941 aux conditions météorologiques favorables pour un vol nocturne, le 23th Squadron lance à des heures différentes, 6 patrouilles ‘Intruder Operations’ avec des Blenheim IF équipés de radar d’interception AI Mk IV et lestés d’un chargement de bombes légères mixtes. Leur rôle principal est d’intervenir dans des missions d’interdiction au-dessus des terrains d’aviation ennemis et d’intercepter à leur retour de mission les bombardiers Allemands qui opèrent dans le cadre du « Blitz », ou attaquer à la bombe des cibles d’opportunité.
La pénétration et le retour du continent étaient minutieusement étudiés à cause des emplacements de la Flak (artillerie anti-aérienne). Il y avait des endroits où elle était beaucoup moins intense qu’ailleurs. Des lieux comme Boulogne et Calais étaient à éviter à tout prix. La navigation de nuit se déroulait en silence radio et aux instruments. Il y avait le risque de se faire repérer par les stations de radars allemands et de se retrouver pourchassé par des nachtjäger (chasseurs de nuit de la Luftwaffe).
De Ford (Sussex), base du 23th Squadron depuis le 12 septembre 1940, située face aux cotes de la Haute Normandie et de la Picardie, trois nightfigthers sont lancés dans la région de Rouen, de Beauvais et d’Amiens (le YPT du Flight Lieutenant Hoare de 00h10 à 02h40, le YPS du Flying Officer Gawith de 00h20 à 01h40, le YPX du Flight Sergeant Burton de 02h00 à 04h35).
De Manston près de Margate (Kent) située face aux cotes des Flandres belges et fran-çaises, base de plusieurs formations RAF dont un détachement du 23th Squadron, trois autres Blenheim s’envolent vers la région de Lille et d’Arras (le YPZ du Flying Officer Davies de 23h35-01h10, le YPM du Pilot Officer Simpson de 01h00-non rentré), le YPD du Pilot Officer Love de 02h25-04h25).
A bord du chasseur de nuit triplace serial L8616, code YPM, se trouvait un équipage très confiant mais dont deux membres en étaient leurs premières missions au 23th Squadron, se composant :
» du Pilot Officer (pilot) G.A Simpson, 23 ans, jeune pilote qui en était à sa 4ème opération, la 1ère débutée en décembre 1940.
» du Sergeant (observer) H.C Brewer, RAFVR, 26 ans, navigateur-bombardier, dont c’était sa 2ème sortie et la 1ère avec le Pilot Officer Simpson et le Sergeant Nicholls.
» du Sergeant (air gunner) T.G Nicholls, RAFVR, 26 ans, radio-mitrailleur de bord en tourelle dorsale, qui était crédité d’une quinzaine OPS dont 3 avec le Pilot Officer Simpson.
Leur mission était de patrouiller dans la région de Flandres-Artois où sur renseignements de l’Intelligence office, des bombardiers de la Luftwaffe y transitaient au retour de mission nocturne du West Midlands pour gagner leur base de Lille-Sud/Vendeville, Lille-Nord/Wambrechies, Merville, Vitry en Artois… La tactique en vigueur à l’époque consistait pour les « intruder » à patrouiller à proximité des aérodromes de la Luftwaffe dans le but d’intercepter des avions ennemis en approche, que ce soit au décollage ou à l’atterrissage, en profitant souvent en outre de l’allumage du balisage nocturne de la piste. En l’absence de trafic aérien ennemi, le pilote pouvait s’en prendre à d’éventuels objectifs repérés au sol en les mitraillant ou en les bombardant.
A l’époque, le site de Vendeville était en plein agrandissement et de transformation entrepris par la firme Karl Brandt, prenant la forme d’un immense quadrilatère passant de 123ha à 500ha. Y sera rapidement aménagée une piste en dur devenue nécessaire pour les avions lourds, orientée Est-Ouest/26-08 praticable sur 1200x45m (pour être ensuite portée à 1600x45m). Toutefois le trafic (atterrissage/décollage) s’effectuait également plus au Nord à partir d’une large bande herbeuse de 1100m, orientée ENE-WSW/ 26.7-08.7 dotée de feux de balisage nocturne de circonstance. (nota : une seconde piste en dur Nord-Sud/02-20 verra le jour fin 1941). Tous ces travaux n’échappaient pas aux alliés anglais qui périodiquement y menaient des reconnaissances photographiques aériennes. Sur une des vues prises par la Royal Air Force le 13 mars 1941 à 15h00, on remarquait l’importance des travaux du coté d’Ennetières-Fretin, et les secteurs de parcage des aéronefs en dehors d’abris en dur, où on y distinguait 10 flugzeug aux abords de la zone des grands hangars et 5 autres du coté du seuil décalé 08 de la piste Est-Ouest). En cette période, il devait s’agir principalement de Heinkel 111 du Kampf-Geschwader KG 53 intervenant dans le cadre du ‘Blitz’ et se répartissant entre les terrains de Lille Sud et Lille-Nord…., ou de Junkers 88 du 1 (F) Fern-Auflkärungs-gruppe (reconnaissance à long rayon d’action).
Après la traversée du channel (la Manche) et le franchissement du continent, le Blenheim YPM se retrouvait rapidement dans sa zone opérationnelle pour cibler après environ 40mn de vol, la flugplatz de Lille-Vendeville, prêt à intervenir contre tout avion de la Luftwaffe au retour d’opération nocturne transmanche.
Peu après, le nightfighter repérait dans le circuit d’aérodrome un bombardier ennemi retournant d’un raid mené cette nuit là sur Nottingham et décidait de l’attaquer (comme cela avait été le cas au cours de la nuit du 3/4 avril 1941 où le Blenheim YPB du Flying Officer Robinson du 23th Squadron opérant de Manston de 22h50 à 00h40 sur Lille, s’en était pris également à un flugzeug atterrissant à Vendeville). Mais là, le nightfighter du Pilot Officer Simpson qui passait à l’attaque se fit surprendre par les tirs défensifs du bombenfluzeug. Il s’agissait d’un Heinkel 111 du II./KG 53 qui, bien qu’endommagé, réussissait à se poser avec l’équipage indemne. Alors que le Blenheim frappé par les tirs de riposte émanant probablement du poste dorsal du He 111, se retrouvait rapidement en difficulté de survol. Les projectiles d’une mitrailleuse MG15 de calibre 7,9mm engendrèrent-ils des dysfonctionnement au matériel volant ou de navigation au point de mettre en péril la poursuite du vol du Bristol, ou atteignirent-ils le cockpit en blessant le pilote et l’observateur (ou l’un deux) au point de se retrouver dans l’incapacité d’assurer leur fonction plus longtemps.
Devant le risque imminent du décrochage et la chute de l’avion aux conséquences dramatiques, un atterrissage en catastrophe en zone ennemie devint l’ultime recours en étant pratiquement certain d’être fait prisonnier et de passer le reste de la guerre dans un camp en Allemagne. La flugplatz de Vendeville demeurait l’endroit le plus propice mais dans l’obscurité la difficulté résidait dans le repérage d’une surface suffisamment dégagée compte tenu des travaux d’agrandissement et de transformation entrepris en cette période.
Finalement c’est du coté Ouest de la base que fut observé une route bordée d’étendues de terres incultes se profilant à la sortie d’un hameau (il s’agissait de la RN 17 en pavé de 1800mx15m entre Ennetières et Vendeville, et fermée depuis juin 1940 à la circulation publique). Devant l’urgence la décision fut prise de privilégier cet endroit où les chances de réussite demeuraient plus probantes qu’ailleurs.
Le bimoteur au train tricycle à roulette arrière entreprit alors son approche suivant un axe Est-Ouest Sud-Est/Nord-Ouest, sens Avelin-Lesquin, atterrisseur principal sorti. (alors que devant un terrain incertain, la recommandation était de se poser sur le ventre afin de partir en glissade et ainsi permettre une immobilisation plus rapide, autrement le train sorti risquait de rencontrer un obstacle et faire capoter l’avion). Mais en se présentant train verrouillé, l’intention première du pilote n’était-elle pas d’atterrir sur ce tronçon de route assez rectiligne aux abords dégagés.
Dans la phase finale, lors de la traversée du hameau d’Ennetières d’environ 360 âmes (80 foyers) dont une partie de ses terres englobaient de récentes infrastructures allemandes, le nightfighter essuya les tirs d’une batterie légère 2cm Flak 30. Le bruit de l’intrus n’avait pas échappé à la vigilance des kanoniers relevant du 363rd Flak Battalion implantés à l’ouest du seuil de piste 08, aux abords du chemin pavé de Templemars reliant le fort de Vendeville, qui prirent pour cible le 2-motors abordant la base à faible hauteur à 100/150m, avec leur canon mitrailleur à un tube tirant des projectiles de 20mm .
Devant ces tirs antiaériens inattendus et dangereux, le pilote n’avait eu pour seule alternative que d’accentuer son angle de descente afin de se poser le plus vite possible mais sans pouvoir s’aligner comme voulu. Dans les derniers instants, il avait tenté de se délester des bombes à bord car il était extrêmement dangereux de se poser avec un tel chargement. Mais seuls deux projectiles explosifs de petite capacité furent largués. L’un toucha le hangar de la ferme Coette et l’autre se perdit dans la pâture Mortreux. Tandis que le mitrailleur en tourelle dorsale, le Sergeant Nicholls dans un dernier sursaut, ouvrit un tir rageur avec sa Vickers Browning 303 (7,7mm) en direction de la batterie allemande.
A bord tous les membres d’équipage s’en remettaient à la réussite de cet atterrissage forcé mais le sort en décida autrement. L’avion finit bien par toucher rapidement le sol mais en dehors de l’endroit initialement prévu. Le posé eut lieu sur les terres agricoles du Petit Ennetières jouxtant les servitudes de la flugplatz.
S’ensuivit un roulage chaotique débuté à 100km/h à travers le champ en labour de René Pecqueur, situé en bordure de la nationale 17. Dans sa phase finale, l’aéronef traversait le chemin pavé du fort de Seclin et fonçait droit sur le champ Matton, qui était malheureusement surmonté d’un petit talus que les jambes du train heurtaient violemment. Sous le choc, le Blenheim capota et explosa avec les bombes restées à bord, ne laissant aucune chance aux aviateurs emprisonnés dans la carlingue. Les faits se produisirent à 200m de l’estaminet « Au Parapluie » situé près du cimetière du hameau.
Quelques instants auparavant au Petit Ennetières, le vacarme provoqué par les tirs de la Flak légère avait fait sursauter bien des foyers. A la ferme Villers, cette surprenante et inhabituelle canonnade nocturne avait fait bondir Albert (le père) et Roger (le fils ainé âgé de 20 ans), qui se précipitèrent à l’extérieur, juste à temps pour distinguer à 150m de là, le bimoteur s’apprêtant à se poser dans les terres en labour bordant leur exploitation. Il se présentait train sorti, sans phare d’atterrissage, moteurs ralentis, et ne dégageait ni flamme, ni fumée. La prise au sol leur avait semblé correcte dans le champ de Roger Pecqueur, et après un parcours de 100m environ, l’appareil traversait en largeur le pavé qui va d’Ennetières à Seclin, et ce fut l’explosion ! Emboutissant le talus du champ Michel Matton, l’appareil se retourna et explosa en s’embrasant. Un manque de chance, le champ sur lequel l’avion avait buté était le seul avec un talus.
Les Allemands arrivèrent rapidement sur place mais sans pouvoir intervenir sur l’épave en proie aux flammes et au risque d’éclatements résiduels de munitions. Le bimoteur s’était disloqué sous l’effet de l’explosion des bombes restées à bord et des réservoirs de carburant placés dans les ailes.
Au petit jour, il ne restait plus qu’un enchevêtrement de débris déformés et calcinés. Seuls étaient reconnaissables les moteurs arrachés et les hélices aux pales recourbées vers l’intérieur (attestant le fonctionnant des moteurs à l’atterrissage), ainsi qu’une partie de l’empennage droit avec la gouverne de profondeur impactée de balles. Les corps purent être identifiés grâce aux plaques matriculaires (Identity Disc 1 red/ 1 green) que tout navigant devait être porteur en mission pour son identification en cas d’accident. (Nota : Un corps certainement celui du mitrailleur dorsal fut éjecté et retrouvé intact aux abords des restes de l’avion).
Ces trois aviateurs au départ de Manston, étaient loin de se douter que Lille (distant de 160 kilomètres de leur base) serait leur ultime mission. Des trois Blenheims du Flight A engagés cette nuit là, seul le YPM, était perdu. Les deux autres avaient opéré sans incident en d’autres secteurs nordistes : le YPZ du Flying Officer Davies durant 01h35 de 23h35-01h10 et le YPD du Pilot Officer Love durant 02h00 de 02h25-04h25.
Au 23th Squadron, c’était la 3ème perte depuis le début de l’année 1941, la 1ère remontait au 3 janvier sur Dieppe (Blenheim L6781 du Sq/Leader Colman) et la 2ème datait du 4 mars sur Guînes au sud de Calais (Blenheim L1453 du Sgt Rose abattu par des Bf 109.
Le Ministry of Defence avisait par télégramme les familles de ces trois aviateurs qu’ils étaient manquants au retour de leur mission en territoire ennemi, sans exclure un atterrissage possible sur un autre aérodrome anglais ou en territoire ennemi, avec l’espoir qu’ils aient pu s’en sortir sain et sauf.
Du coté allemand, l’avion anglais abattu sur la flugplatz de Lille-Sud fut rapporté sans délai au commandement militaire à Lille. L’événement fut considéré comme un succès pour le moins inédit d’un bombenfluzeug sur un nightfighter 2-motors RAF et valut dans la matinée sur la Fliegerhorst E 5/III de Vendeville le déplacement d’autorités HQ Luft Lille (dont l’Oberst P.Weitkus Geschwaderkommodore ‘Legion Condor’, KG 53 / A1+..).
L’équipage du Heinkel 111H4 de la 5./staffel du II./Gruppe du Major H. Steinweg alors basé à Vendeville, fut félicité pour avoir fait face avec détermination à une attaque ennemie le 10 avril 1941 à 02h40 (01h40 ð heure GB : GMT-1) et d’avoir permis l’élimination d’un de ces intrus venant inquiéter les flugzeug de retour de vol nocturne.
L’intervention du service de renseignements de la Luftwaffe de Lille (Luftnachrich-tendienst) permit de déterminer le type d’appareil en cause, son unité d’appartenance et sa provenance d’Angleterre. Un rapport déclaratif de perte (Namentliche Verlustmeldung) d’un avion anglais fut établi indiquant qu’au cours de la nuit du 9/10 avril 1941 un 2-motors Blenheim avait été abattu à Vendeville et que les trois aviateurs à bord avaient été tués. Les restes importants de l’aéronef furent rapidement débarrassés par l’occupant. Par la suite le lieu du crash bien qu’interdit fut l’objet de curiosité de la part de jeunes du hameau qui en profitèrent pour y récupérer de menus débris laissés sur place. Il fut même retrouvé la pipe de l’un des anglais (certainement celui du Sergeant T.G Nicholls, mitrailleur dorsal, qui a été éjecté à l’impact et retrouvé aux abords de l’épave).
Trois jours après le crash, les allemands organisèrent des funérailles assez austères. La cérémonie religieuse était officiée par un pasteur protestant délégué à l’église d’Ennetières mais sans que la population civile ne soit autorisée à y assister hormis quelques élus communaux. Sur chaque cercueil était déposée une gerbe avec bandeau aux cocardes de la Luftwaffe et de la croix gammée, portant l’épitaphe « A la mémoire de nos adversaires ». Au cimetière du hameau d’Ennetières bordé de l’estaminet « au Parapluie » les honneurs militaires, furent rendus. L’inhumation eut lieu en présence d’une délégation d’officiers de la Luftwaffe, d’une fanfare et d’un piquet d’honneur en armes qui clôtura par le tir d’une salve en l’air aux fusils Mauser. Ce cérémonial pour le moins étonnant envers l’ennemi anglais, relevait en fait de la propagande nazie. Le but était de montrer que les soldats du IIIème Reich inhumaient dignement et respectueusement leurs adversaires (et non leurs « ennemis »). A noter que l’on était au début de la guerre en 1941 et que les troupes de la Wehrmacht étaient jusqu’alors invaincues et n’avaient pas encore connu de revers. Par la suite, les pilotes alliés abattus furent enterrés sans apparat, sans assistance civile et sans fleuraison des tombes.
L’Ober Kommando der Wehrmacht informa la Red Cross (Croix Rouge Internationale) de la mort de l’équipage du Blenheim et du lieu d’inhumation à Ennetières près d’Avelin à 15km au sud de Lille. L’information fut retransmise au Ministry of Defence qui avisa officiellement les familles que leur proche était porté disparu présumé tué à l’ennemi.
En date du 12 juin 1941 dans la gazette de la Royal Air Force and Fleet Air Arm New, ces trois aviateurs figuraient à la rubrique des tués (KIA- Killed in action). Il s’agissait :
» du Pilot Officer (pilot) Simpson Georges Arthur, 23 ans, No : 85244 RAF-VR (Volunteer Reserve), officer commissioned 7th Sept. 1940, (ex airman No 741214), célibataire, natif de Brighton (Sussex); breveté pilote depuis peu, totalisant 3 opérations faites de Ford (Sussex) : le 22 décembre 1940, les 3 et 11 janvier 1941 sur les bases d’Abbeville, Amiens, Poix de Picardie (et la 4ème OPS le 9/10 avril 1941 de Manston sur Lille).
» du Sergeant (observer) Brewer Horace Charles Jack « Bill », 26 ans, No : 747949 RAF-VR, navigateur-bombardier. Avant d’intégrer la RAF, il était employé à la Post Office dans le Sussex. Il avait effectué sa 1ère OPS de Manston le 14 janvier 1941 avec le Wing Commander GFW Heycock, Sq/Ldr du 23 Sq, au cours de laquelle ses compétences de navigateur avaient été testées avec succès. Le 9 avril 1941, il s’agissait de sa 2ème mission OPS et de sa 1ère sortie avec le Pilot Officer Simpson et le Sergeant Nicholls.
» du Sergeant (air gunner) Nicholls Thomas Georges, 26 ans, No : 532244 RAF, marié, natif de Thornton (Surrey), radio mitrailleur en tourelle dorsale. En mai 1936, il avait rejoint la RAF et en 1940, il s’était porté volontaire pour une formation de navigant en tant de mitrailleur de bord (RAF Manby Air Armament School n° 1 AAS). Puis il avait été affecté au 23th Squadron et effectué une quinzaine de missions notamment au cours la bataille d’Angleterre (période du 10 juillet au 31 octobre 1940). Il en était à sa 3ème sortie avec le Pilot Officer Simpson, faites les 3 et 11 janvier et le 9 avril 1941.
De 1942 à 1944, la flugplatz de Vendeville avec ses imposantes infrastructures, fut souvent un objectif visé par l’aviation anglo-américaine et subit bien des bombardements stratégiques. L’attaque du 8 septembre 1943 menée par 68 bimoteurs Glenn-Martin B.26 ‘Marauder’ du VIII° Air Support Command de l’US Air Force, n’épargnât pas les constructions allemandes imbriquées dans le hameau d’Ennetières. En cette matinée là, au total 354 bombes GP de 300Ibs (150kg) furent larguées dont une cinquantaine tombaient du coté du Petit Ennetières. Ironie du sort, plusieurs torpilles frappaient le cimetière faisant voler des tombes. Celles des aviateurs RAF étaient détériorées ainsi que celles d’à coté concernant plusieurs soldats français tombés en juin 1940. Les allemands ne tardèrent pas à intervenir et avec un engin rebouchèrent les cratères en tentant de remettre de l’ordre dans les sépultures endommagées.
Après guerre, la Missing Research and Enquiry Unit I (unité de recherche et d’enquête sur les disparus) confirma la présence des tombes au cimetière communal d’Ennetières Les Avelin. Par la suite, la commission des sépultures de guerre du Commonwealth en France, y aménagea un parterre militaire avec une pierre tombale pour chaque aviateur du Blenheim du 23th Squadron abattu le 10 avril 1941 et pour un pilote d’un chasseur Whirlwind du 137th Squadron, le Pilot Officer A.E Brown (alias Sergeant Manston) enterré le 28 janvier 1943 à Ennetières. (Ce dernier avait trouvé la mort au Sud-ouest d’Arras 5 jours plus tôt et sa dépouille avait été ramenée sur la base de Vendeville avec l’épave de son bimoteur intéressant les allemands.)
A la demande des familles, des épitaphes furent portées sur la stèle de leur cher disparu:
– Pilot Officer Georges Simpson « Il m’a été enlevé mais il reste à jamais dans mes pensées. Maman. » (Mrs Elsie Amélia Simpson, veuve de guerre WW1, habitant le Sussex vivra jusqu’en 1979 dans la douleur et le souvenir de son fils unique Georges Arthur tué à l’âge de 23 ans, orphelin de père Frank George Simpson, Private au 13th Battalion, Royall Sussex Regiments, tué à l’âge de 22 ans, le 23 mars 1918 au cours de la bataille de Rozières dans la Somme).
– Sergeant Thomas Nicholls, mitrailleur « A la mémoire de mon cher époux». Il était natif de Surrey et marié à Pearl Rosa Nicholls, London.
– Sergeant Horace Brewer, observateur (sans épitaphe). En date du 12 avril 1941, un des ses camarades du squadron, le sergeant WR Stevens (air gunner) avait mentionné dans son carnet personnel le non retour de mission deux jours plus tôt, de son copain « Bill » Brewer.
En août 1947 au Petit Ennetières, en bordure de la RN 17, les paroissiens Ennetierois inaugurèrent le monument de notre Dame de Lourdes, érigé en vue de remercier la Très Sainte Vierge de la protection accordée aux villageois pendant la guerre 1939-1945 afin de commémorer en même temps le souvenir des cinq victimes civiles et des trois aviateurs anglais tombés, le 10 avril 1941. L’endroit du crash du Blenheim resta visible bien longtemps par la présence d’une terre brûlée et noirâtre demeurée inculte avant de redevenir fertile au gré des saisons. Avec le temps, les souvenirs s’estompent et aujourd’hui, nombre de promeneurs qui empruntent ce chemin rural dont les rebords ont été nivelés, sont loin de se douter qu’au début de la Seconde guerre mondiale en 1941, trois jeunes aviateurs anglais y ont trouvé une mort atroce, emprisonnés dans un appareil qui avait capoté lors d’un atterrissage forcé.
Le carré militaire fait toujours l’attention de la Commonwealth War Graves Commission qui entretient les lieux avec grand soin, et de la municipalité d’Avelin qui n’oublie pas le sacrifice de ces soldats alliés pour la liberté et perpétue leur souvenir en fleurissant leurs tombes plusieurs fois dans l’année.
Depuis le début de la guerre en 1940, le hameau d’Ennetières les Avelin, présente la particularité d’être en cul de sac après que la RN 17 Lille-Douai reliant jadis Pont à Marcq à Vendeville, ait été coupée à tout jamais par les allemands pour l’extension du terrain d’aviation de Lesquin qu’ils occupèrent jusqu’en fin août 1944. Après guerre, comme la plupart des autres aérodromes militaires, celui de Lesquin (Vendeville) a été remis à l’Aviation Civile pour l’exploitation aérienne commerciale. Au fil des ans, cet aérodrome est devenu avec l’essor de l’aviation civile débuté dans les années 1960, l’Aéroport International de Lille-Lesquin, aujourd’hui, synonyme d’évasion vers d’autres cieux.
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Monographie rédigée par Richard Jozefiak à partir de recherches personnelles s’appuyant sur une collecte de témoignages et l’exploitation de documents d’archives historiques diverses (1997 JR).
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