Terrain d'ISSY-LES-MOULINEAUX (Ville de Paris) | ||||
Conséquence d’un lointain malentendu, l’originalité de la situation domaniale de l’héliport d’Issy-les-Moulineaux tient aussi à la manière insuffisamment concertée avec laquelle ont ensuite été prises certaines décisions. L’événement porteur de ce malentendu fut, en 1890, l’abandon par l’État à la ville de Paris de la totalité du Champ de Mars et des édifices qui y avaient été érigés pour l’Exposition universelle de l’année précédente. Si, à titre de contrepartie, la ville céda bien à l’État la nue propriété de la partie du Bois de Vincennes sur laquelle devait être édifiée une caserne de cavalerie, elle ne s’engagea formellement, en effet, qu’à "organiser" un champ de manœuvres de 63 ha (délimités en vert sur l’extrait de carte) situés près du village d’Issy-les-Moulineaux, le long et à l’extérieur des anciennes fortifications. Le mot employé devait-il, comme l’entendait le ministère de la Guerre, être compris comme signifiant "acquis, aménagé et cédé" ou, comme voulait le lire la ville de Paris, comme ne dépassant pas le sens d’une simple mise à disposition à l’exemple de celles, fréquentes à l’époque, consenties par les villes de garnison à l’autorité militaire ? L’affaire ne sera indirectement mais définitivement tranchée, en faveur de la capitale, qu’en décembre 1943 par un arrêt de la Cour d’appel de Paris statuant sur une instance engagée par l’État en 1937 contre la Compagnie parisienne de distribution d’électricité pour occupation par celle-ci, sans son accord mais avec celui de la ville, d’une parcelle appartenant au champ de manœuvres. Berceau le plus prestigieux des débuts de l’aviation (voir en pages 7 et 8 de la rubrique Un peu d'histoire), le terrain d’Issy-les-Moulineaux fut par autorisation du ministre de la Guerre utilisé jusqu’en août 1914 pour les "expériences d’aviation". Ainsi fut-il signalé dans l’Aéro-guide de l’Aéro-club de France avec indication, selon les mois de l’année et les jours de la semaine, des horaires au cours desquels ces expériences étaient autorisées. Le terrain d’Issy-les-Moulineaux demeura par contre absent des listes publiées par le Bulletin de la Navigation Aérienne pendant tout l’entre-deux-guerres et ce n’est qu’en 1935 que le ministre de l’Air adopta l’idée d’y aménager un aérodrome civil non ouvert à la circulation aérienne publique, qui serait principalement destiné aux liaisons officielles. Il faudra encore attendre avril 1937 pour que le ministre de la Guerre concède par convention au département de l’Air, pour une période prolongeable de neuf années, la faculté d’utiliser le champ de manœuvres pour l’envol et l’atterrissage des avions. Le ministre de la Guerre s’estimant alors encore être à Issy-les-Moulineaux l’affectataire d’un terrain appartenant au domaine privé de l’État, la ville de Paris ne fut pas associée à cette convention qui, non seulement fixait les modalités selon lesquelles la plus grande partie du champ de manœuvres serait, de telle à telle heure, transformée en aérodrome mais définissait aussi les travaux d’aménagement et de clôture générale que le ministère de l’Air devrait à cette fin prendre à sa charge. Ces travaux ayant été aussitôt entrepris, l’aérodrome put être remis en juillet à l’Établissement métropolitain de la navigation aérienne qui estima cependant ne pas être en mesure d’assurer cette prise en charge. Bien que la qualité de propriétaire des lieux fût alors reconnue à la ville de Paris, l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux fut successivement, de manière tout à fait unilatérale : - par décision ministérielle du 7 août 1946, affecté, à titre principal aux liaisons officielles civiles et à l’aviation privée, à titre secondaire aux liaisons de l’Armée de l’Air et, transitoirement, au montage et à la réception
des avions de la S.N.C.A.N. et de la S.N.C.A.S.O.,
- ouvert avec restrictions, parce que faisant l’objet de consignes particulières, par l’arrêté ministériel du 6 février 1947. Enfin, pour clore le tout, le Gouvernement estimera nécessaire, en application de l’ordonnance du 25 octobre 1945 créant l’Aéroport de Paris, de comprendre par décret du 21 avril 1949 l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux dans l’ensemble constitué par l’établissement public. Ignorée par toutes ces décisions, la ville de Paris s’estimera naturellement en droit d’avoir ses propres projets sur le terrain dont elle était propriétaire. Il s’agira d’abord d’un ensemble sportif important puis, de manière beaucoup plus décisive, du passage du boulevard périphérique assurant notamment en cet endroit la liaison entre l’autoroute de l’ouest et celle du sud alors en construction. Un premier pas important dans le règlement de la situation domaniale de l’ancien champ de manœuvres sera franchi en septembre 1969 par l’abandon par l’État des droits d’usage qu’il y détenait depuis 1890, en contrepartie de quoi la ville de Paris cédera gratuitement et en toute propriété les parcelles situées au nord du boulevard périphérique et permettant l’extension vers le sud de la Cité de l’Air et du Bassin des Carènes. S’agissant de l’aérodrome, dont il aura entre temps été décidé qu’il serait exclusivement réservé aux hélicoptères, le même accord prévoira qu’une superficie d’au moins 11 ha serait, au sud du boulevard périphérique, maintenue pendant au moins 18 ans à la disposition de l’Aéroport "en vue d’y conserver et d’y poursuivre l’exploitation de l’héliport déjà existant". Cette disposition sera régularisée par une convention signée l’année suivante entre l’établissement public et la ville de Paris. Bien qu’il ne s’inscrive pas dans l’héritage des événements antérieurs à 1947, auxquels se limite le champ d’observation du présent atlas, l’échange de terrains, qui interviendra en 1994 entre l’État et la ville de Paris et dont l’un des objectifs sera de permettre l’établissement sur le site du siège de la direction générale de l’Aviation civile, ne peut enfin manquer d’être ici évoqué en ce qu’il sera accompagné d’une légère réduction d’emprise de l’héliport et de son maintien sur place jusqu’en 2024. |
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