Aérodrome mixte de MARSEILLE - MARIGNANE (Bouches-du-Rhône) | ||||
Le premier terrain d'atterrissage qui fut indiqué pour Marseille aux navigateurs aériens par l’Aéro-guide de l'Aéro-club de France était celui du Parc Borély, "situé sur le bord de la mer au bout de l'avenue du Prado". Aucune relation n'est donc à faire entre celui-ci et l'aérodrome de Marignane qui fut créé en 1922 par le service de la Navigation aérienne pour constituer un "port secondaire" sur la route aérienne de l'Italie. L'étroit front d'étang de son emprise d'origine (hachurée en bleu-vert sur la carte) fut une première fois prolongé vers l'est en 1925 (zone hachurée en bleu-vert foncé) pour accueillir un Centre d'études et d'expériences d'hydravions, puis, en 1929, (zone hachurée en bleu marine) pour les besoins de l'Aéronautique maritime. L'utilisation de l'aérodrome avait ainsi alors abouti à ce que l'Aéronautique civile se soit installée sur le côté ouest, à ce que l'Aéronautique maritime militaire ait choisi le côté est et à ce que, entre l'une et l'autre, les services techniques du ministère de l'Air se soient attribués le bord de l'étang pour leurs essais. Les projets d'installations nouvelles affichés en fin d'année 1929 par l'Aéronautique maritime conduisirent naturellement à ce que les trois affectataires se concertent afin d'établir un plan de masse "définitif". Au souhait exprimé par les conférants civils de voir l'utilisateur militaire se transporter sur la base d'hydravions de Berre, où existaient de réelles possibilités d'extension, la direction générale des Forces aériennes opposa l'argument que, quelle que soit la place que pourrait y trouver l'Aéronautique maritime, les installations projetées par elle à Marignane ne sauraient y trouver place eu égard à ce qu'elles étaient "destinées à permettre la transformation en hydravions des avions qui, après livraison par les constructeurs, (étaient) convoyés au-dessus de terre et ne (pouvaient) atterrir qu'à Marignane". La vocation d'aérodrome mixte de Marseille - Marignane était ainsi confirmée. La nécessité de préserver en périphérie de l'aérodrome des trouées de décollage faisant face aux vents dominants était peu auparavant apparue urgente lorsque, en 1928, le service des Voies et Communications aériennes s'aperçut que les hydravions LeO (Lioré et Olivier) s'établissaient en voisins immédiats sur le bord de l'Étang de Vaine. Bien que ce constructeur n'ait fait que suivre l'encouragement à "décentraliser" ses ateliers qui lui avait été donné par les services techniques et industriels du même ministère, il se vit notifier par ce dernier qu'il serait "fort grave pour la valeur aéronautique du terrain que des constructions fussent édifiées" sur cet emplacement et demander de consentir, "dans des conditions excluant naturellement tout bénéfice", à rétrocéder à l'État les 6,5 ha tout juste acquis par lui (aplat rouge sur le plan) entre l'aérodrome et la route reliant Marignane à l'Étang de Vaine (dont le tracé est souligné en violet sur le plan). L'alerte étant ainsi donnée, le ministre de l'Air décida en août 1929 que les limites de l'aérodrome seraient, au besoin par voie d'expropriation, repoussées à l'ouest jusqu'à la route déjà citée. Il s'agissait, outre la parcelle LeO, d'acquérir 8,5 ha (aplat orangé sur le plan). Derrière ce projet s'enchaîna rapidement celui d'acquérir 55 ha (hachurés en orange sur le plan) au sud de l'aérodrome. La procédure ayant été engagée, la commission d'enquête fit apparaître que les propriétaires fonciers concernés contestaient vigoureusement le niveau des offres d'achat qui leur étaient faites. De son côté, le ministère de l'Air ne disposait pas en ce début des années trente de crédits suffisants au titre des budgets normaux pour réaliser ses programmes d'infrastructures du réseau aérien. Bien que, faisant sacrifice de l'extension ouest, le ministre de l'Air soit, non sans difficulté, parvenu à convaincre celui du Budget d'accepter que l'acquisition des 55 ha situés au sud relevait de la "décentralisation industrielle" – au motif qu'ils étaient destinés à accueillir un embranchement de voie ferrée et des surfaces couvertes pour la création d'un "centre industriel de mobilisation" – cette extension ne put, pas davantage que la précédente, être réalisée. S'agissant de la parcelle LeO de 6,5 ha revendiquée par l'État en 1928, le préjudice porté au constructeur d'hydravions était considérable puisque les 11 ha lui restant sur les bras (hachurés en rouge sur le plan) allaient se trouver privés de tout débouché sur l'étang. Bien que la Société LeO eût reçu le soutien de l'État pour que la commune de Marignane lui abandonne la bande littorale qu'elle possédait (aplat bleu-vert sur le plan), un dialogue de sourds s'était alors instauré – le "sans bénéfice" exigé par le ministère de l'Air s'opposant au "sans gain ni perte" auquel acceptait de se plier le constructeur – dialogue dont l'État ne parvint à se défausser qu'à la faveur du décret donnant concession de l'exploitation du port aérien à la chambre de commerce de Marseille. Intervenu le 3 janvier 1934, celui-ci déclarait en effet d'utilité publique les travaux d'aménagement et d'extension qui y étaient désignés. La menace qui pesa alors sur le constructeur n'ayant pas permis qu'intervienne un règlement amiable, l'ordonnance d'expropriation de la parcelle litigieuse fut finalement rendue par le président du tribunal civil d'Aix-en-Provence en décembre 1938. Quant aux autres terrains LeO, ils feront en 1943 l'objet d'une seconde expropriation limitée pour l'installation d'un radiophare à proximité de l'étang avant d'être enfin, pour le reste, acquis à l'amiable en 1949. L'intérêt porté par le ministère de l'Air à une possible extension de l'aéroport sur tout ou partie des 72 ha constituant les Salins de l'Étang du Lion (délimités en vert sur le plan) fut incidemment dévoilé en 1932. Marqués quelque temps par une ambiance d'espionnite – suscitée elle-même par les démarches entreprises par "une Société étrangère, suisse ou allemande, qui se serait fait consentir des options" sur ces terrains – les événements qui suivirent le furent surtout par les assauts répétés dont firent l'objet le ministère de l'Air puis, à partir de 1934, la chambre de commerce de Marseille et ce aussi bien de la part des propriétaires des Salins que de celle de leurs nombreux créanciers. Le niveau exagéré des offres de vente faites par les premiers faisait toutefois que l'acquisition ne pouvait être réalisée par voie amiable. Les besoins d'extension dans cette direction ne se dessinant pas de manière immédiate, il n'apparaissait pas d'autre part opportun d'avoir recours à la procédure d'expropriation. L'affaire sembla se débloquer en fin 1937, lorsque la vente judiciaire des Salins fut annoncée. L'époque était celle où l'axe d'atterrissage par mauvaise visibilité venait d'être défini et appelait que sa trouée fût dégagée par déplacement vers le nord-est des hangars précédemment érigés à l'ouest de la bande littorale. Aussi est-ce en accord avec la chambre de commerce – qui acceptait de prendre en charge la moitié de la dépense – que le ministre de l'Air autorisa en janvier 1938 sa direction des Travaux et Installations à participer à l'adjudication par avoué interposé et ce jusqu'à concurrence du prix limite fixé par l'administration des Domaines. Mise en adjudication en février puis en mars 1938, la vente fut toutefois renvoyée sine die à la suite d'incidents de procédure soulevés par les propriétaires. L'inquiétude de ces derniers était en effet que la nature du bien mis en vente fît qu'aucun acquéreur privé ne fasse monter les enchères au-delà de l'offre que ne pourrait dépasser l'État, offre maximale elle-même très inférieure au montant cumulé de leurs dettes. La dernière parade que, avant juin 1940, ils opposèrent à ce danger fut de sommer par huissier l'État et la chambre de commerce d'avoir à cesser tout amerrissage sur l'Étang de Vaine et d'en remettre le rivage en son état primitif, au motif avancé par eux que ce plan d'eau était propriété de leur famille en vertu de lettres patentes du roi François I er. Bien que cette dernière argumentation ait en mai 1939 été parfaitement démontée par les services des Domaines, les propriétaires des Salins du Lion tentèrent en vain, dès mai 1941, de la faire valoir auprès de l'administration de Vichy. En cohérence avec l'orientation prise à l'époque de transférer l'activité du port aérien de Marseille sur la plaine de l'Arc et sur l'Étang de Berre pour ne conserver à Marignane que celles de l'aviation militaire et de la construction aéronautique, cette même administration choisit d'installer sur ce dernier site une usine de montage d'hydravions de fort tonnage. L'emplacement des Salins du Lion étant tout désigné compte tenu de son débouché sur l'Étang de Vaine et de sa proximité de l'usine de la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Est – avec laquelle un ensemble pourrait être ultérieurement constitué – décision fut prise par le gouvernement de Vichy de les exproprier. Cette décision se traduisit successivement par un décret du chef dudit gouvernement portant date du 20 août 1943 et déclarant d'utilité publique et urgente l'acquisition des terrains, par une décision du même mois du secrétaire général à la Défense nationale prescrivant ladite acquisition et par une ordonnance d'expropriation rendue en février 1944 par le président du tribunal civil d'Aix-en-Provence. Tandis que l'un des propriétaires avait refusé de signer la notification de cette ordonnance, le second, qui n'était autre que la belle-sœur du Général Giraud, se trouvait être avec son mari en déportation depuis décembre 1942. Leur tentative à la Libération de faire annuler l'expropriation ayant échoué, ils durent s'en remettre à la commission arbitrale dont ils rejetèrent la décision qui, bien qu'elle eût doublé l'offre de l'État, restait être cinq fois inférieure à l'indemnité qu'ils attendaient. Le tribunal de première instance d'Aix-en-Provence, jugeant en appel, trancha le différend en novembre 1946 en majorant encore d'une fois et demie le montant de l'indemnité. Le pourvoi en cassation sera alors introduit par l'État, celui-ci estimant que la fixation des intérêts, à laquelle il avait été procédé au jour de l'ordonnance d'expropriation, constituait un excès de pouvoir de la part du tribunal. Une seconde extension vers l'est de l'aérodrome fut à l'ordre du jour en 1939. Celle-ci répondait au double besoin de la base militaire et de la S.N.C.A.S.E. S'agissant de la première, celle-ci ne pouvait plus en effet, compte tenu de sa montée en puissance, se contenter de l'étroite bande de 800 m x 250 m qui lui était attribuée entre l'aire d'atterrissage et le chemin de grande communication 39 (dont l’ancien tracé est souligné en rouge sur le plan) donnant accès au port aérien. Quant à la Société nationale, cette dernière avait réussi à convaincre son administration de tutelle que, "eu égard aux considérations de défense passive", son usine, alors en construction en bordure sud-est de l'aérodrome, devait répartir ses installations sur une surface double de celle (aplat vert et zone hachurée de même couleur sur le plan) qui lui avait été attribuée par le ministère de l'Air en 1937. En raison des répercussions que n'auraient pas manqué d'avoir l'une sur l'autre ces deux acquisitions, il fut jugé plus avantageux de les regrouper en une seule opération d'extension de l'aérodrome incluant également la déviation du C.G.C. 39 et la création d'un nouvel embranchement desservant l'aérodrome. Approuvant le plan et l'état parcellaires qui lui étaient présentés par le service des Ponts et Chaussées des Bouches-du-Rhône, le ministre de l'Air prescrivit en août 1939, en application des décrets-lois du 30 octobre 1935 , l'expropriation des 66 ha constituant le projet ainsi que l'occupation temporaire de ceux qui parmi ces derniers devaient être immédiatement utilisés. L'ordonnance d'expropriation n'ayant pas été rendue avant l'Armistice, le secrétaire d'État à l'Aviation du Gouvernement de Vichy coupa court à toute interrogation quant à l'opportunité de poursuivre la procédure en décidant, dès octobre 1940, que les acquisitions prescrites en août 1939 "devaient être intégralement maintenues et qu'il y avait lieu de les réaliser avec la plus grande diligence". S'agissant toutefois plus particulièrement des terrains destinés aux besoins du Centre militaire de Marignane (hachurés en violet sur le plan), dont l'utilisation restait dépendre "d'un programme à dresser ultérieurement", il donna pour instruction qu'ils soient provisoirement remis en culture. Après donc qu'ordonnance d'expropriation portant sur la totalité des terrains précédemment désignés ait été rendue en décembre 1940, que la commission arbitrale ait procédé à une première réévaluation et que le tribunal civil d'Aix-en-Provence ait rendu son verdict pour plus de la moitié des expropriés, "l'extension est" de l'aérodrome fut conduite à son terme en 1943. À noter enfin, pour la période du gouvernement de Vichy, la construction en vue de la reprise du trafic après la guerre d'une piste en béton de 1650 m x 60 m que l'occupant s'empressa, après novembre 1942, de compléter par un ensemble de voies de dispersion (les infrastructures allemandes sont, de même que la piste, reportées en noir sur le plan). |
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